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franco-britannique de Londres le décor somptueux de leur palais : « Comment ! dira désormais l’électeur britannique qui aura vu ces monceaux de grains, ces immenses et originales arabesques en épis, le Canada qui est un pays anglais produit tout cela, et notre pain est fait de froment étranger ! » Lorsque cette idée se sera imposée à toute l’Angleterre, la Préférence canadienne touchera sa récompense, et la persévérance de sir Wilfrid aura découvert la formule de cet impérialisme économique dont M. Chamberlain n’aura été le prophète que quelques années trop tôt.

Dans cette combinaison, le Canada prend figure de membre autonome de l’organisme impérial ; ses communications transcontinentales, améliorées, sont un pont sur la ligne toute britannique, all red line, qui relie l’Atlantique au Pacifique, l’Europe occidentale à l’Asie d’Extrême-Orient et au monde australien. Dès maintenant la politique lauriériste est chaudement approuvée dans toutes les colonies parlementaires ; au lendemain des élections, le général Bolha télégraphiait à sir Wilfrid : « My colleagues and I heartily congratulate you on your success ; » l’hiver dernier, des missions d’enquête ont préparé une entente douanière entre les colonies tropicales du Centre-Amérique et le Dominion. Ce ne sont encore là que des symptômes, mais caractéristiques et tous concordans. La fédération économique impériale se prépare, et le Canada peut soutenir qu’il lui a ouvert la voie ; le premier ministre le disait sans fausse modestie, l’automne dernier, dans une réunion électorale en plein Ontario : « Nous donnons à tout l’Empire une inspiration et un exemple ; déjà la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud, l’Australie ont adopté la Préférence, inaugurée par nous en 1897 ; le jour viendra, prochain sans doute, où le Royaume-Uni fera comme elles. »

Ce jour est-il aussi proche que le souhaitent les coloniaux anglais ? Peut-être, car il semble bien que déjà l’aurore s’en annonce. Quoi qu’il en soit, que nous considérions le Dominion en lui-même, ou comme partie de l’Empire britannique, les élections d’hier et le maintien aux affaires de sir Wilfrid Laurier sont tout autre chose que des faits-divers de chronique locale.


HENRI LORIN.