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s’ouvrent surtout pour nos articles de luxe et de haut goût…

Enfin, un traité de commerce est une transaction, et le Canada désire présentement transiger avec la France ; il est remarquable que les correspondances d’Europe racontant les épreuves du traité sont envoyées d’Allemagne aux journaux canadiens ; certains, dédaignant toute dissimulation, posent nettement la question en ces termes : France or Germany ; which ? Le traité avec la France est souhaité par les hommes d’Etat d’Ottawa comme un succès moral autant qu’économique ; pour la première convention qui sera signée de la sorte par le Dominion, agissant on peut le dire souverainement, il est désirable que le partenaire soit la France ; notre pays garde encore un prestige aux yeux des cousins français d’outre-Atlantique ; si le catholicisme sincère de quelques-uns s’effarouche des allures de notre politique intérieure, du moins nous considère-t-on comme une nation courageuse, dont les initiatives généreuses sont un honneur pour l’humanité ; la légende du Français léger, simple amuseur du monde, cède devant une connaissance plus sérieuse de nos aptitudes et de nos énergies nationales ; notre tenue, notre dignité consciente et calme dans l’affaire marocaine nous ont conquis des amitiés solides. Dans le mouvement complexe qui, du côté canadien, conduisit à la signature du traité, il entre assurément un désir d’union plus intime avec les commerçans et les capitaux de France, mais aussi un sens affiné de l’opportunité politique et quelque chose d’une sympathie particulière, qui associe les fondateurs du vieux Canada et les champions actuels de l’entente cordiale.


Ardemment canadien, le Canada est aussi profondément britannique ; il ne sépare pas un terme de l’autre et, par là, dans l’histoire même de l’Empire, nous croyons que son évolution récente annonce et prépare des nouveautés. La Préférence, les ministres l’ont souvent répété, fut un acte unilatéral ; l’octroi de cette faveur à l’Angleterre avait bien probablement pour objet d’obtenir de la métropole des avantages réciproques, mais les deux concessions n’étaient pas liées ; aujourd’hui encore, l’électeur britannique ne veut pas de taxes sur les objets de consommation, même si les importations coloniales étaient privilégiées par rapport à celles de l’étranger, et cependant le Canada se tient ferme sur le terrain de la Préférence ; on dirait