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publicistes, sans grande autorité, pour relever ce qu’un tel langage avait de hardi. C’est que ces mots expriment la réalité des choses : de son plein gré, de son seul mouvement, le Canada a inauguré la Préférence douanière avec l’Angleterre ; il a négocié directement une convention de commerce avec la France, traité par un de ses ministres, M. Lemieux, avec le gouvernement du Japon ; il n’y a plus sur terre canadienne un soldat anglais depuis que les garnisons impériales de Halifax et d’Esquimalt ont été relevées par des troupes locales : le Dominion traite d’égal à égal avec toutes les puissances, sans excepter sa propre métropole.

Comment va-t-il, maintenant, orienter sa politique étrangère ? Les questions internationales sont, de nos jours, souvent économiques, et le Dominion, pour se libérer de tout contrôle, a commencé par se donner un régime douanier qui ne fût qu’à lui. Ce régime est nettement protectionniste : un tarif minimum, dit de préférence, est appliqué aux marchandises anglaises ou à celles dont la valeur s’est augmentée d’au moins un quart en passant par des usines du Royaume-Uni ; le tarif intermédiaire, correspondant au tarif minimum français, est en usage pour les importations des pays qui ont un accord avec le Dominion ; enfin le tarif général est une machine de guerre dressée contre les puissances malveillantes ou trop exigeantes. Le tarif de préférence même représente une protection de 20 à 30 pour 100 en faveur des fabricans du Dominion ; de plus, quelques industries bénéficient de primes (bounties) ; c’est ainsi que tout dernièrement les hauts fourneaux de Sydney (Nouvelle-Ecosse) ont pu livrer à l’administration des chemins de fer de l’Inde un lot considérable de rails. L’industrie canadienne s’est beaucoup développée à l’abri de ces tarifs ; les visiteurs de l’Exposition de Londres (1908) qui se souvenaient de l’exhibit du Dominion à Paris, en 1900, s’en seront aisément convaincus. Mais, d’autre part, le prix de la vie a monté ; des consommateurs s’en plaignent. Va-t-on réajuster le tarif ? De quels côtés cherchera-t-on à faciliter les échanges ?

Dans les débuts de sa magistrature, sir Wilfrid penchait pour un rapprochement avec les États-Unis. Le tarif de l’Union est, en moyenne, plus élevé encore que celui du Canada ; mais, malgré tout, l’attirance du voisinage immédiat est si forte, que les Etats-Unis demeurent, de beaucoup, les premiers fournisseurs