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britannique, on trouve même une organisation, une « machine » rudimentaire : M. Ralph Smith, député du district houiller de Nanaimo, est un ancien mineur qui, combattu par les journaux des intransigeans, a passé comme indépendant labour candidate ; son succès n’a donc rien d’inquiétant pour le gouvernement, tout au contraire ; mais son concurrent « unifié, » M. Hawthornewaite, l’a serré de près. Dans une des circonscriptions voisines de Montréal (Maisonneuve), M. Verville, socialiste élu en 1904 contre un libéral, retourne au Parlement ; son nom est accompagné, dans les listes officielles, de la mention encore unique : Labour party.

Le Cabinet Laurier n’a pas voulu se présenter devant les électeurs ouvriers avec de simples promesses : bien que la législation sociale soit, aux termes de la Constitution de 1867, du ressort des provinces, le dernier Parlement fédéral a voté une loi sur la conciliation et l’arbitrage, d’ailleurs facultatifs seulement, dont l’auteur est M. Lemieux. Lors d’une récente réunion électorale, à Saint-Hyacinthe, M. Dandurand, président du Sénat, parlait de cette loi comme d’un des meilleurs titres du Cabinet Laurier à la reconnaissance publique ; l’Angleterre et l’Italie, ajoutait-il, sont sur le point de nous l’emprunter. Il y a peu d’années aussi, fut ouvert près le ministère des Postes un Bureau du Travail, office d’enquêtes et de publications statistiques ; le directeur en était M. Mackenzie King, un spécialiste tout à fait distingué, qui est aujourd’hui député fédéral pour North-Waterloo (Ontario) et prend rang dans le Cabinet comme premier titulaire d’un ministère du Travail. Tout laisse prévoir que, dans une société dont l’évolution est rapide, quelquefois cahotée, ce nouveau portefeuille ne sera pas une sinécure.


Ainsi le Canada, la première période de sa croissance achevée, paraît entrer dans l’âge plus ingrat où l’organisme réagit moins spontanément contre les concurrences extérieures. Colonie fidèle de l’Angleterre, il n’en est pas moins, dans la pratique, le seul maître de ses destinées, les responsabilités pèsent plus lourdes sur la tête de ses dirigeans, à mesure que leur liberté s’affranchit de plus d’entraves. Devant le prince de Galles, pendant les fêtes du Tricentenaire, sir Wilfrid n’hésita pas à définir l’Angleterre et le Canada comme deux nations reconnaissant un seul roi ; il s’est à peine rencontré deux ou trois