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l’immigration européenne est primée, de diverses manières ; celle d’Amérique est absolument libre.

A diverses reprises, sir Wilfrid a déclaré qu’il se réjouissait de cette invasion pacifique, parce que tous ces colons ne tardaient pas à devenir de bons citoyens canadiens. Nous ne contestons pas que nul d’entre eux ne songe à revendiquer une nationalité qui ne soit pas la canadienne, mais l’esprit de ces nouveaux venus n’est pas exactement, ne peut pas être, celui du vieux Canada. Ce sont gens plus frustes ; pour eux un voyage dans les villes lointaines du Saint-Laurent est un déplacement de luxe, dont beaucoup ne sentent même pas le besoin. L’homme politique de l’Ouest est plus étranger que celui de l’Est aux souplesses de la vie parlementaire, témoin l’hon. Thomas Greenway, récemment décédé après avoir été longtemps Premier du Manitoba ; ce rude Ecossais, fermier dans la Prairie dès l’enfance, était une manière de puritain, honnête et sectaire ; il n’a pas tenu à lui que la question des écoles confessionnelles ne s’exaspérât entre protestans et catholiques, alors que des interventions venues de l’Est, et auxquelles sir Wilfrid ne resta pas indifférent, ont assoupi ces discordes stériles sous d’opportunes transactions. L’Ouest, qui se concentre tout entier dans Winnipeg, demande maintenant une sortie vers l’Europe qui l’affranchisse du Saint-Laurent, un chemin de fer de Winnipeg à la baie d’Hudson ; la baie est gelée pendant huit mois ; peu importe, tout le reste de l’année, on ne devrait de comptes à personne.

Nous apercevons ici quelques difficultés qui ne font encore que s’estomper à l’horizon du Dominion ; il en est d’autres qui naissent sur le littoral du Pacifique, dans la Colombie britannique ; par cette province, le Canada tend la main à l’Extrême-Orient de l’Asie ; il est le voisin américain le plus proche de la Chine et du Japon ; il subit le contre-coup des mouvemens d’opinion anti-asiatiques qui ont provoqué, l’an dernier, des incidens désagréables à Vancouver comme à San Francisco. La diplomatie de M. Lemieux, ministre fédéral des Postes et du Travail, s’est heureusement employée à résoudre, d’accord avec le gouvernement japonais, un différend que les autorités provinciales de Colombie, trop près des électeurs intéressés, ne voyaient certainement pas d’assez haut ; mais il est resté, parmi les chefs de l’opinion dans cette province, une certaine amertume contre le Cabinet Laurier : les conservateurs ont gagné plusieurs