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que les communes habitudes d’esprit agirent encore sur Wagner, le firent se dédoubler, et quelquefois être lui-même trop littérateur, quelquefois trop musicien. D’ailleurs, l’influence de Wagner n’est féconde que pour le musicien qui a reçu une culture générale, et non pas seulement un étroit enseignement technique : cela se connaît à ses résultats ordinaires.

Mais quand il a emprunté aux légendes, aux chroniques, aux vieux romans, c’est bien la substance musicale que Wagner en a su distiller. Le musicien qui chercherait son bien chez Goethe, n’aurait point comme Wagner à animer d’un nouvel esprit des fables surannées ; mais il devrait procéder d’une manière analogue, par éliminations, par interprétations. L’esprit si profond et si humain des deux Faust, il devrait le dégager à sa façon et selon son aptitude ; l’exposer par des moyens scéniques, trop élémentaires peut-être pour le théâtre parlé, que la musique illuminerait ; recomposer un tout autre Faust, qui serait cependant tout le Faust, avec une éloquence nouvelle, moins abstraite et plus émue, et qui ne ferait pas moins penser.

Sans doute un Faust ainsi compris semblerait-il austère au coût moyen des dilettantes de théâtre.

Mais « on ne va pas voir Faust pour s’amuser, » disait Berlioz, qui pourtant a fait un Faust amusant.


GASTON CARRAUD.