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un thème sentimental affronte les gestes de l’abattement et de l’espoir ; puis un thème de lutte, sombre, fiévreux, douloureusement vibrant ; enfin le thème de l’action décisive, sûre et fière d’elle-même, encore défaite cependant par la pensée du néant.

Les deux autres morceaux de la symphonie sont établis sur une série de transformations plus profondes des mêmes thèmes. Plutôt que Gretchen et Méphistophélès en tant qu’êtres concrets, ils nous montrent leur pensée agissant sur l’âme de Faust. Cela est d’un homme encore qui a compris Gœthe, et qui comprend la musique, et d’une façon plus sûre, plus lucide que Schumann. Les sentimens et les idées vivent ici comme des êtres, et par la vie évoluante des formes musicales elles-mêmes : et c’est là ce qui devrait interdire que l’on considérât jamais Liszt comme un simple disciple de Berlioz.

Cette vie propre du thème, à laquelle Liszt dans la symphonie et Wagner en même temps dans le drame ont donné une signification psychique si évidente, est bien la découverte qui leur appartient. Quoi qu’on en ait dit, les rappels de motifs qu’on trouve chez de plus anciens compositeurs n’ont avec ce système rien de commun, que de très superficiel. Il est bien plutôt la fleuraison, au travers de la symphonie classique, des vénérables principes de la fugue : et c’est dans ce qu’on appelle la « grande variation » de la dernière époque de Beethoven qu’on en reconnaît le véritable élément.

Gretchen seule aura encore des thèmes personnels. Liszt aborde cette figure avec une délicatesse infinie. Du bavardage puéril des flûtes et des clarinettes il dégage ses premiers sentimens, si naïfs, si timides encore, qu’il faut pour les exprimer la fraîcheur gracile des instrumens en soli. Ce sera le thème de l’Éternel Féminin. Peu à peu, il s’assure. Un nouveau motif s’enhardit, encore hésitant : et le cœur de la jeune fille s’ouvre à la plainte voluptueuse de Faust. L’attendrissement les pénètre tous deux. Faust alors met en œuvre son pouvoir combatif, devenu séduction. Dans l’extase finale résonne, lointain, adouci, le motif de l’action décisive.

Méphistophélès n’a pas de thème à soi : sa pensée ne vit que de la destruction de la pensée des autres. Etonnant par sa technique, et sans doute unique par sa signification, le scherzo qui porte ce titre ne suit plus en son développement la marche de la passion, mais celle de la dialectique ; et d’une dialectique bien