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franco-allemand, et, si on s’en tient à sa lettre même, on peut se demander en quoi la situation est changée. L’Acte d’Algésiras avait déjà reconnu les intérêts particuliers que nous avons au Maroc et, par voie de conséquence, la situation particulière à laquelle nous y avions droit : et quand nous parlons pour nous, nous le faisons aussi pour l’Espagne. Le même Acte avait mis toutes les puissances sur le pied d’égalité en ce qui concerne leurs intérêts commerciaux et économiques. Au surplus, cet Acte lui-même n’était pas une grande innovation : il consacrait plutôt des droits antérieurs qu’il n’en créait de nouveaux, et cela est vrai surtout pour l’Allemagne, puisqu’un traité de commerce lui assurait déjà au Maroc le traitement de la nation la plus favorisée. Mais, comme on dit, ce qui abonde ne nuit pas, et si l’Allemagne a éprouvé le besoin de faire entre elle et la France une application spéciale et plus précise des principes d’Algésiras, nous ne pouvions que nous y prêter avec empressement.

Il convient d’ailleurs de reconnaître que, dans l’arrangement du 9 février, l’Allemagne est restée Adèle à ses déclarations précédentes, Elle avait dit, à maintes reprises, qu’elle ne poursuivait au Maroc aucun intérêt politique, et qu’elle n’avait pas d’autre préoccupation que d’y garantir ses intérêts économiques. Elle cherche des débouchés, elle en a besoin pour son commerce, et il faut bien convenir que les tendances protectionnistes de la France sont de nature à inspirer quelque inquiétude aux autres pays, lorsqu’ils la voient étendre son influence sur un domaine nouveau. Cependant on n’avait, à cet égard rien à craindre de nous au Maroc. Nous n’avions sur ce pays aucun projet de conquête, ni même de protectorat, et, en eussions-nous eu, tout un faisceau de conventions et de traités servait de préservatif à l’Allemagne. Elle n’en a pas moins voulu de nous une affirmation nouvelle que nous respecterions ses intérêts au Maroc ; nous la lui avons donnée, et il semble bien qu’en le faisant nous ayons dissipé ses dernières appréhensions. Dès lors, l’arrangement ne peut avoir qu’un sens, c’est que nous ne la trouverons plus au Maroc en travers de notre action dont elle connaît maintenant la nature et dont elle reconnaît la légitimité. Le commencement d’évacuation que nous avons opéré dans la Chaouïa, la ferme volonté que nous avons exprimée de la continuer au fur et à mesure que nous le pourrions sans danger, en un mot la franchise dont nous avons multiplié les preuves ont fini par dissiper les malentendus et par inspirer confiance. Nous ne saurions trop nous en féliciter.

Notre diplomatie a manœuvré habilement et utilement dans cette