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fois les choses et les âmes, mieux que cette vieille progression des harmonies traditionnelles, accompagnement obligé de toute illumination réelle ou figurée, qu’elle se produise au dehors ou au dedans de nous. Plus sommaire encore, au point d’en paraître nulle, est la musique des deux derniers tableaux, qui ne comptent pas, et celle même du troisième acte, l’acte du retour de Vanna. Il compte pourtant, celui-ci. La matière en était abondante et complexe, faite de toutes les évolutions et révolutions du caractère de l’héroïne. Il n’y avait point jusqu’à l’étonnant beau-père, dont le rôle musical ne pût alors s’élever, et très haut : « Monte, Vanna, monte parmi les fleurs… » Quel beau thème qu’un pareil salut, et pour quel admirable cantique !

Les deux premiers actes ont plus de mérite. La musique en peut être faible souvent, et même pauvre, elle n’est point obscure, ni pesante. Elle n’irrite, elle ne rebute, elle n’assomme pas. Jamais antipathique, honnête et sincère toujours, elle n’a rien de commun avec telle ou telle autre qu’on nous fait aujourd’hui, et qu’il est impossible non seulement de ne pas mépriser, mais presque de ne point haïr.

L’invention ou la veine mélodique de M. Février a peu d’originalité. Élève de MM. Messager et Fauré, dit-on, il le semblerait plutôt de M. Massenet, témoin le duo du second acte, au moins le milieu et la fin de ce duo. Écoutez ou lisez la cantilène langoureuse de Prinzivalle à genoux, tenant, serrant, pétrissant la main de Vanna dans les siennes ; vous retrouverez là du Massenet, beaucoup de Massenet, du meilleur, et de l’autre. Elle a de jolies parties, cette longue, trop longue déclaration : elle en a d’élégantes, d’ingénieuses, voire de contournées et de mièvres, elle en a de maladroites aussi, qui s’embarrassent et qui traînent. Et si le duo finit par de telles effusions, par ces élans précipités, puis retenus, par ces cadences pâmées et mourantes, n’est-ce pas encore l’influence de M. Massenet qui le fait ainsi finir ?

L’orchestre même est çà et là traversé de pareils souvenirs. Je dis l’orchestre et non l’orchestration, car, dans le passage auquel je pense, la mélodie plutôt que les timbres, la couleur moins que le dessin rappelle une des plus sombres scènes de Werther, celle où Charlotte, sur l’ordre de son mari, remet à l’envoyé de Werther la boite de pistolets. Ici, comme dans l’œuvre de M. Massenet, — on peut dire un de ses chefs-d’œuvre, — le chant à demi déclamé flotte et nage en quelque sorte à la surface du courant instrumental. Aussi