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Dès l’entrée de Vanna sous la tente, dès ses premiers mots et sur un signe du généreux Prinzivalle, troupeaux et chariots chargés de vivres avaient pris la route de Pise. Déjà, sur les clochers et les tours de la ville secourue, on voit briller des feux de joie. Prinzivalle n’a rien exigé et l’heureuse messagère n’a payé que d’un baiser au front du héros le salut de sa patrie. Lui-même ne trahit pas la sienne : il n’en a pas, il n’est qu’un mercenaire et, s’il abandonne ce soir la cause de Florence, c’est que Florence ingrate, il le sait, préparait son exil, peut-être sa mort. Ainsi chez Vanna tout est chaste et chez Prinzivalle il n’y a rien de bas. C’est « en beauté, » comme dit Ibsen, en noblesse, en pureté, que toutes ces choses se passent et les deux « parfaits amans » rentreront sans rougir dans la ville, qui va les remercier et les bénir ensemble.

La ville, oui, — nous le verrons au troisième acte, — et le beau-père également. Sous les pas de sa bru, sans même l’interroger, le bon vieillard jettera des fleurs. Mais avec plus de curiosité (mettez-vous à sa place), l’époux aura moins de confiance. Vainement Vanna lui dira, lui criera son innocence. Il refusera de la croire et l’injure d’un tel refus, changeant ou plutôt achevant de changer le cœur de la jeune femme, la livrera décidément à son nouvel et plus généreux amour. Quelques péripéties, quelques voltes du sentiment peuvent ici paraître tantôt brusques et tantôt obscures. « S’il m’épargna, c’est qu’il m’aimait, » dit Vanna, montrant Prinzivalle à son époux. Et j’entends bien qu’il y a dans cet aveu de quoi redoubler, exaspérer l’angoisse et la fureur conjugale. Mais tout de même ce serait une question de savoir s’il est plus fâcheux pour un mari que sa femme ait été violentée sans amour, ou aimée sans violence. Guido préfère encore, apparemment, la première solution. Quoi qu’il en soit, la pauvre Vanna, méconnue, mais se connaissant enfin, ne saurait plus être qu’à Prinzivalle. Par un suprême revirement et puisque, pour être crue, il lui faut mentir, elle le dénonce et l’accuse. Feignant de vengeresses fureurs, elle réclame le soin de l’enchaîner elle-même, de se faire sa gardienne, peut-être son bourreau. Les soldats lui remettront la clef de la prison. « Je la veux pour moi seule, afin que je sache bien… Afin que personne autre… C’était un mauvais rêve… Le beau va commencer. » Et le drame littéraire s’achevait sur cette perspective. Je regrette que l’Opéra nous ait montré, ne fût-ce qu’un instant, le cachot, l’évasion des amans réunis et, dans un trop voyant décor de féerie, leur banale apothéose.

C’est assez la coutume, quand on juge un opéra, d’en condamner