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symphonie jamais ne s’enfle ni ne se travaille : elle se joue. Il faut à M. Pierné peu de chose pour dire beaucoup : par une intonation, une inflexion, une note contre une autre, il indique, il suggère. À demi déclamée, chantée à demi, la berceuse de la Vierge n’est composée que de deux périodes brèves, de deux petites pièces sonores, qu’une main délicate ajusta : l’une vaguement liturgique, hiératique même et sans accompagnement ; l’autre d’un sentiment plus moderne, où, sur un changement de rythme, sur une tenue d’orchestre, la voix se détend, se repose et s’épanouit.

Rien de tout cela n’insiste ou ne pèse. Rien ne cherche l’effet, rien ne dépasse ou seulement ne comble la mesure. Pas un éclat, pas même un accent ne rompt la douceur mystique et le demi-silence qui baigne toute la seconde partie. Elle n’est qu’un murmure et, sans craindre que le public, ne trouvant point ici le finale attendu, s’étonne ou se déconcerte, la musique se dissipe et s’évapore, à la manière des parfums.

Musique d’enfans, ou de l’enfance, par la grâce, par la candeur et la pureté, la musique de M. Pierné l’est encore autrement, par la malice et l’espièglerie. À cet égard, la marche des Mages me paraît une chose tout à fait originale et spirituelle. Marche en miniature, si vous la comparez à la somptueuse Épiphanie du Christus de Liszt, ce n’en est pas moins, toutes proportions gardées, un morceau très développé, d’une belle progression, d’une instrumentation brillante, et qui fait à la première partie un finale éclatant. Le thème est pittoresque, avec une touche légère de sonorité, de rythme et de mode oriental. Légère, plaisante aussi, gentiment ironique, d’une drôlerie gamine, et cela surtout me ravit. Le défilé, pour étonnant qu’il soit, n’en impose pas aux petits pèlerins qui le rencontrent. Ils le saluent de remarques naïves, mais familières et libres. Même en l’acclamant, ils s’en amusent, leur enthousiasme n’est pas dupe, et c’est un joli trait de psychologie enfantine, de nous avoir ici fait voir, entendre un cortège sérieux, un vrai cortège, et de rois, mais regardé, commenté et, — passez-moi le mot, — blagué par des enfans.

Gardons-nous de nous plaindre si le musicien n’a cherché nulle part ailleurs la couleur locale ou l’exotisme. Les chants enfantins, inspiré s seulement des chansons populaires, les imitent et ne les reproduisent pas. Le « folklore » n’a rien à réclamer dans la musique de M. Pierné. Mais voulez-vous savoir l’origine de l’un des plus aimables, de l’un des plus touchans motifs de la partition ? Elle est modeste et proche de nous. Ces quelques notes viennent de beaucoup moins loin