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concurrence à l’état civil » et que des êtres impalpables continuent d’habiter les endroits qu’ils peuplent de leur existence chimérique.

Est-il besoin de dire, après cela, que ces « choses qui se souviennent » devraient être pour nous des institutrices toujours écoulées ? Dépositaires de notre tradition, elles seules peuvent en perpétuer parmi nous la leçon. La France a été longtemps réputée pour son goût, jusqu’au jour où l’aberration romantique a fait du goût le synonyme de sécheresse et d’impuissance. Il y a sur ce thème des développemens fameux de Victor Hugo. On s’est enfin aperçu des désastres qu’entraînait cette dérision d’une qualité propre à notre esprit et à notre art. On s’efforce aujourd’hui de rendre à la nation le sens de l’élégance, de la mesure, de l’harmonie. On multiplie les chaires, on installe des musées. Mais les discours les plus persuasifs ne valent pas l’enseignement des choses parmi lesquelles on vit, et la leçon qu’on en recueille à son insu.

Ainsi les images des lieux et des demeures, les souvenirs du passé, les leçons de goût se mêlent sous la plume de M. Hallays dans une composition harmonieuse et savante. Pour montrer l’écrivain à l’œuvre, nous n’aurions qu’à prendre presque au hasard n’importe laquelle de ses études : Maintenon, ou Soiesmes, ou Bagatelle, ou les pages sur les « jardins de Betz » qui sont un chef-d’œuvre. Mais le Pèlerinage de Port-Royal nous offrira le meilleur exemple. Comme tous ceux qui ont eu profondément l’intelligence du XVIIe siècle, comme Sainte-Beuve qui donna le signal, comme Brunetière qui ne se lassait pas de revenir à Pascal, comme Jules Lemaitre, dans un discours fameux et dans son récent livre sur Racine, lui aussi M. André Hallays a été attiré vers Port-Royal. Il a voulu dire la beauté de ces existences si nobles, tout en se souvenant que prononcer le mot de beauté est ici presque un sacrilège. « A Port-Royal on haïssait la beauté comme une ennemie, comme une corruptrice. Mais qui donc maintenant louera les Arnauld, les Lancelot, les Nicole, les Pavillon, si nous ne nous en mêlons, nous les libertins ? » De toute évidence, ce, n’est pas de ce côté qu’est le danger : et il n’y a pas de risque que la foule se précipite vers ces souvenirs austères.

Désireux de rechercher, dans Paris et dans les environs de Paris, les souvenirs de Port-Royal, M. Hallays fit ce qu’on doit faire en pareil cas : je veux dire qu’il s’adressa à celui qui n’est pas seulement aujourd’hui l’homme le mieux renseigné sur le jansénisme, mais encore le plus obligeant des guides et le plus dévoué des maîtres. M. Gazier lui remit un livre de dévotion imprimé au XVIIIe siècle,