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n’attendait que ce nom. Il arrêta net son interlocuteur : « M. Perrault ? Vous vous moquez ! Il n’en était point. Il avait assez à faire dans les bâtimens. Et les autres, qui sont-ils ? » — « Il y a, dit M. Charpentier, M. l’abbé Tallemant, M. Quinault et moi. » — « Mais ne vous voilà que trois. Où est le quatrième ? » — « J’ai eu l’honneur de vous dire qu’il y avait M. Perrault. » — « Et je vous dis qu’il n’en était pas, » repartit Louvois.

Il fallait comprendre. M. Charpentier se tut. « Quel était donc ce quatrième ? » reprit Louvois avec une douce obstination. Quelqu’un de la compagnie hasarda timidement : « M. Félibien venait quelquefois… » — « Ah ! voilà enfin ce quatrième que je cherchais. » — M. Félibien était nommé ; M. Perrault était exclu. Il n’était plus de la petite académie. Il n’en avait jamais été. La volonté de M. de Louvois avait des effets rétroactifs. C’était une volonté plus que divine.

Perrault n’était plus rien. Déjà, très peu de temps avant la mort de Colbert, il avait, fatigué de l’humeur, devenue chagrine, de son ministre, résigné sa charge de contrôleur des bâtimens. Il reprit sa plume d’écrivain. Il fit le poème de Saint Paulin, dont s’est moqué Boileau, et le petit poème du Siècle de Louis le Grand qui fut l’origine de la Querelle des Anciens et des Modernes. Ses Mémoires, quoique rédigés, comme il le dit lui-même, en 1702, s’arrêtent là : 1787.

Pourquoi ne les a-t-il pas continués ? Ils s’arrêtent au moment où ils allaient être le plus intéressans au moins pour l’histoire littéraire, au moment où ils allaient nous entretenir de toute la grande querelle et des Parallèles des Anciens et des Modernes de Perrault et des Réflexions sur Longin de Boileau et de Huet, et de La Fontaine et de Racine, et aussi, dans un tout autre ordre d’idées, des Contes de la mère l’Oie, que toute la postérité connaît sous le nom de « Contes de Perrault. » Il est probable, comme le pense M. Bonnefon, que Perrault n’a voulu rapporter à ses enfans que sa vie publique, considérant sa vie de retraite comme suffisamment connue d’eux et comme devant n’être matière que de souvenirs de famille. Il est possible aussi, ces Mémoires ayant été écrits en 1702 et Perrault étant mort au commencement de 1703, que Perrault se proposât de les continuer et qu’ils aient été, tout simplement, interrompus par la mort.

Voilà ce que nous savons sur une famille bien parisienne du