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cette qualité comme une sentinelle posée pour empêcher qu’il ne passe rien contre la vérité. Je n’ai que cela à faire et je ferai beaucoup si je m’acquitte bien de cette commission. Dieu pourvoira à tout le reste. »

Il mourut en 1762, à trente-huit ans. Il était très honnête homme et très peu souple. En cela, j’entends à ce dernier titre, il se distinguait un peu de sa famille.

Pierre Perrault venait ensuite. Il était né en 1611. Après avoir été commis aux « parties casuelles » pendant de longues années, il fut receveur général des finances. Il posséda cette charge pendant dix années, de 1654 à 1664, sous Foucquet d’abord, sous Colbert ensuite. Il était en fort bons termes avec Colbert et à l’avènement, si l’on peut ainsi parler, de celui-ci, il fut félicité par tout le monde de sa bonne fortune. Elle était moins bonne qu’on ne croyait et qu’il ne pensait lui-même. Voici en quoi. Pierre Perrault était endetté. « Il crut, dit son frère lui-même, qu’il pouvait prendre quelques deniers sur le courant de l’année 1664 pour acquitter les dettes les plus criardes. » Il ne fit pas ses paiemens au trésor royal au jour fixé ni en leur entier. Il fut dénoncé à Colbert. Colbert fit une observation à Charles Perrault, son commis, frère de Pierre. Charles, après s’être éclairci de cette affaire, représenta à Colbert que son frère était excusable, étant depuis longtemps, le créancier du Roi pour des sommes très considérables qui dépassaient infiniment celles qu’il avait tardé un peu à remettre au trésor royal. Colbert ne voulut rien entendre, obligea immédiatement Pierre Perrault à rendre sa charge et commit un intendant des finances pour lui faire rendre compte de ses années d’exercice. Pierre était exécuté ; Charles revint dix fois solliciter pour lui. Colbert le mit en demeure ou de donner sa démission lui-même ou de se taire. On pense assez que Charles se tut. Pierre vécut dans la pauvreté et dans l’obscurité jusqu’en 1780, ce me semble, puisque Charles Perrault dit : «… Dans tout le temps de son adversité, qui dura seize ans… » et ne fait nullement entendre, et bien au contraire, que cette adversité ait jamais cessé.

Il était homme évidemment désordonné, mais plein de qualités, comme le prouve l’estime que ses amis et ses ennemis même, à en croire Charles Perrault, lui ont gardée ; il avait de l’esprit ; il avait collaboré aux œuvres de jeunesse de Charles