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eut très peu de succès dans sa profession. On peut en croire son frère Charles qui n’a pas accoutumé de médire de sa famille et qui dit de lui : « Très habile avocat, sachant son métier parfaitement et ayant de l’esprit et de l’éloquence autant que pas un de ses confrères, il ne faisait rien dans sa profession. »

On ne sait de sa vie que ce qui vient d’en être dit. Sur sa mort on a des détails très étendus où nous pourrons entrer plus loin. En 1669, accompagnant son frère Claude en un voyage dans le midi de la France, il tomba malade à Blaye, d’une fièvre pernicieuse, ce me semble, fut transporté à Bordeaux, fut saigné cent fois, comme vous pensez bien, et mourut. Nous ne savons autre chose sur lui.

Le second, Nicolas Perrault, fut d’Eglise, docteur en Sorbonne. Il était l’ardent, le passionné, l’entêté et l’intransigeant de la famille. Il donna dans l’Augustinisme, dès que l’Augustinisme exista en France. Il était janséniste ; mais c’était un janséniste original : « D’où vient que vous n’avez pas demandé [telle chose] à M. Arnauld ? » lui disait son frère Charles. — « Je n’ai jamais parlé à M. Arnauld. » Etonnement de Charles. Nicolas reprend : « Je n’ai point voulu voir M. Arnauld, pour être assuré, autant qu’on le peut être, que les sentimens que j’ai sur les matières de la grâce ne me viennent point de la chair et du sang ; que ce n’est point l’amitié qui m’engage à soutenir une opinion plutôt qu’une autre et pour avoir lieu de croire que c’est. Dieu seul qui me l’inspire. » Pascal lui-même aurait été aussi étonné que Charles. Du reste il eût admiré.

Quand Nicolas fut exclu de la Sorbonne avec les soixante-dix autres docteurs qui étaient du même sentiment, il n’y alla plus, naturellement ; mais en outre, il ne voulut plus aller aux assemblées des prêtres de Saint-Etienne-du-Mont, sa paroisse. Le curé le pressait d’y reparaître : « Venez nous éclairer de vos lumières. — Comment, répondait le docteur, pouvez-vous me faire une telle prière ? Je suis un de ceux dont vous dites dans votre prône que la doctrine est empoisonnée et vous voudriez que je la répandisse ! »

On le pressait aussi de se rallier, de rentrer dans le gros de l’Église, de signer le formulaire ; on lui représentait qu’il pourrait rendre plus de services ainsi à l’Eglise qu’en restant retiré sous sa tente. Il ne voulait pas comprendre : « Dieu, disait-il, m’a fait par sa grâce docteur en Sorbonne et je me regarde en