Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/882

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

extrêmement superficielle. Que leurs manifestes en faveur de la diffusion des lumières ne nous trompent pas : au fond, elles répugnent à l’étude ; elles ont à surmonter une indifférence et une apathie séculaires, pour essayer seulement de se mettre à nos méthodes. Ces candidats à la culture ne semblent pas près de devenir des hommes de science. Mais la science et les applications scientifiques sont deux. On peut être bon ingénieur, bon officier, bon médecin, sans être un savant. Ensuite, leur dédain antérieur pour la vie intellectuelle comporte aussi quelques avantages. Ils lui doivent une santé morale que nous ne connaissons plus : leurs caractères et leurs intelligences sont indemnes de nos maladies et de nos tares.

En Turquie, l’esprit militaire est plus vivace que jamais. Enfin, — et ceci est l’essentiel, — un grand souffle d’espoir les emporte ; ils ont la foi, et ils ont la foule avec eux, bien que celle-ci n’ait qu’une notion confuse du but lointain vers lequel ils l’entraînent. Non seulement ils respectent les vieilles forces conservatrices de leurs pays, mais ils tâchent de les développer, de les élever à leur maximum. Ils prêchent l’attachement à la religion, aux coutumes des ancêtres ; ils promulguent avec enthousiasme le dogme, nouveau pour eux, de la Patrie. Qui ne voit que ces hommes, au milieu d’une Europe désarmée, désagrégée par des doctrines antinationales, deviendraient une puissance avec laquelle il faudrait compter ?


LOUIS BERTRAND