Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/870

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

solennelles ne sont pas toujours commodes à mettre en pratique. Qui sait comment se comporteraient, sous la pression des circonstances, ceux qui les ont sans cesse à la bouche ? On conçoit que cette question rende, là-bas, très perplexes tous les Européens attachés par leurs fonctions au maintien du régime actuel.

Une cause plus grave d’inquiétude réside dans les agissemens panislamistes de certains politiciens orientaux. Sans doute, les Jeunes-Turcs comme les Jeunes-Égyptiens répudient ouvertement toutes visées de ce genre. Leur programme, à les en croire, est strictement national. Mais il n’en est pas moins significatif que les réformateurs de Constantinople et du Caire aient lié partie, qu’ils se prêtent un mutuel concours et que les Egyptiens proclament hautement la suzeraineté de la Porte sur le trône khédivial. Je ne l’ignore pas, on peut interpréter cette entente très diversement, et dans le sens le plus pacifique. On peut même, à la rigueur, ne voir qu’un beau zèle libertaire ou humanitaire dans l’appui plus ou moins déguisé que la Jeune-Turquie vient de donner aux révolutionnaires de Téhéran. Néanmoins, ce qui me frappait, comme un fait plutôt exceptionnel dans les autres confessions religieuses, ce sont les relations constantes, très étroites et d’un caractère surtout politique que les Musulmans de Turquie et d’Egypte entretiennent avec les autres peuples de l’Islam. Ces relations sont prodigieusement favorisées par le pèlerinage annuel à La Mecque, — pieuse manifestation qui fait passer par Le Caire et Stamboul des milliers et des milliers de Mahométans venus de l’Extrême-Asie ou de l’arrière-fond de l’Afrique. Je remarquai beaucoup la sollicitude dont ces pèlerins étaient entourés par des personnages élevés à l’européenne et certainement exempts de tout préjugé religieux. A Constantinople je rencontrai chez l’un d’eux jusqu’à des Chinois musulmans, qui non seulement s’étaient arrêtés dans la ville du Khalife, mais y avaient fait un long séjour : « Notre vœu le plus cher, disaient ces dévots Asiatiques, serait de terminer nos jours dans ce saint pays ! » J’avoue qu’un tel amour pour la capitale d’Abd-ul-Hamid me parut bien extraordinaire. En tous cas, que des exaltés fassent briller aux yeux de ces naïfs voyageurs le mirage panislamiste, cela n’est pas douteux. Tous ceux qui passent, Afghans, Hindous, Tunisiens, Algériens, Marocains, sont plus ou moins