Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/842

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portait à Fontainebleau les doléances de ses confrères. Louis XVI, devant cette démarche directe, dissimulait son embarras sous les formes bourrues qu’il affectait en pareille occurrence : « Je suis très surpris, répliquait-il sèchement, que la Chambre des vacations de mon parlement ait fait un arrêté sur des bruits publics ! d’autant qu’il n’y a rien de nouveau. » Sur quoi, il tournait le dos et sortait.

Ce n’est point là duplicité, mais malaise assez excusable, car, à l’heure même où il parlait ainsi, la résolution était prise, les lettres préparées, la date fixée pour l’exécution du projet, le tout dans le plus grand mystère. Quatre ministres seuls étaient, dans le secret : Maurepas, Turgot, Sartine et Miromesnil. Les autres furent laissés en dehors de l’affaire, surtout du Muy, le seul qui fût vraiment hostile à la « révolution » prochaine. Les princes du sang restèrent jusqu’au dernier moment dans la même ignorance. Le Roi signa le 25 octobre les lettres destinées à chacun des anciens magistrats, y compris ceux qui avaient accepté la liquidation de leurs charges. Elles portaient, en substance, qu’il leur était enjoint de se trouver le 9 novembre à Paris, sans indiquer le but de cette convocation. Des lettres d’une forme identique avertissaient les membres du nouveau parlement qu’ils eussent à rester, ce même jour, chacun dans son logis, « pour y attendre l’ordre du Roi. » Ces étranges instructions, ce ton énigmatique, jetèrent une inquiétude, que ne dissipa point le silence des jours suivans.

Le 10 novembre, les conseillers de l’ancien parlement reçurent une seconde note royale, conçue dans les termes suivans : « Messieurs, ayant jugé à propos de changer les ordres que je vous ai donnés le 25 du mois dernier, je vous fais cette lettre pour que vous ayez à vous rendre, le 12 du présent mois, en la Chambre de Saint-Louis, au Palais, et que vous y attendiez en silence les ordres que je compte vous y faire donner ledit jour Sur ce[1]… »

Dans l’intervalle de ces deux lettres, Louis XVI avait écrit, avec Miromesnil, le préambule des neuf édits qui devaient rétablir les magistrats exilés sur leurs sièges, en leur imposant certaines règles destinées à prévenir le retour des écarts d’antan. Le morceau se termine ainsi : « Nous sommes assuré que

  1. Souvenirs de Moreau.