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querelles. « Le jeune Roi, dit Croy, se décida ferme, tourna pour le chancelier, et défendit qu’on lui en parlât davantage. » La veille du jour fixé, qui était le 25 juillet, les ducs d’Orléans et de Chartres eurent ordre de se rendre à leur terre de Villers-Cotterets[1]. Ils partirent sur-le-champ, sans murmure, comme sans inquiétude. Les autres princes « plièrent, » et le service eut lieu en l’absence de tout incident. On remarqua seulement, quand le couple royal, au retour de la basilique, suivit les boulevards parisiens, l’indifférence glaciale et le silence du peuple. Louis XVI en ressentit, dit-on, un vif chagrin, que Maurepas exploita contre le chancelier. L’exil des d’Orléans produisit, au surplus, « tout l’effet que M. de Maurepas pouvait désirer ou attendre ; » plus que jamais, il s’installa dans la confiance du Roi, tandis que Maupeou reperdait le terrain un moment gagné. Et à l’heure même où, de toutes parts, on commentait l’échec des « vieux parlementaires, » de puissantes batteries se dressaient pour leur assurer la victoire.


VI

Des ministres du Roi défunt conservés par son successeur, il en était un qui passait pour le bras droit et « l’âme damnée » de M. de Maupeou : c’était Bourgeois de Boynes, secrétaire d’Etat pour la marine depuis l’année 1771. Il était fils d’un caissier de Law, qu’avait enrichi le système. On le disait légiste habile, d’intelligence ouverte, mais léger, vaniteux, infatué de lui-même. Du premier jour de son arrivée au pouvoir, il avait mis toute son application à seconder le chancelier dans ses batailles contre les magistrats rebelles, négligeant, pour cette lâche, les affaires de son département, et la marine périclitait entre ses mains oisives. Maurepas avait la partie belle pour exciter l’indignation du Roi contre un tel administrateur. C’étaient donc, après chaque conseil, entre Louis XVI et lui, comme un concert de doléances sur l’ignorance et sur les bévues du ministre, et tous deux concluaient à la nécessité pressante de congédier ce fâcheux serviteur[2].

Le choix du remplaçant faisait aussi l’objet de ces secrets colloques. Il était, depuis quelque temps, un nom qu’on

  1. Journal inédit de Hardy, loc. cit.
  2. Journal inédit de l’abbé de Véri. — Passim.