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gravement troublées : mais l’opération était risquée, la négociation, engagée partout à la fois, laborieuse et irritante. Il y eut des circonstances fatales ; il y eut des fautes, des violences inutiles ; mais (encore une fois) non pas d’un seul côté. L’incident, démesurément grossi à l’époque, fut, en somme, assez superficiel pour ne laisser dans l’âme des peuples aucun venin : on s’efforça, bien à tort, d’en faire une question d’honneur national et de drapeau.

La France n’avait pas provoqué cette difficulté : elle remontait à l’arrangement anglo-congolais de 1894. En agissant dans ces régions, la France usait d’un droit qui lui avait été reconnu par les déclarations formelles des ministres anglais. Décidée à tirer le meilleur parti d’une situation difficile, elle fit là ce que toutes les puissances faisaient, en Afrique, depuis dix ans, — sans esprit d’agression, comme en témoignent les secondes instructions à M. Liotard et au capitaine Marchand. Elle aborda la question du Nil selon ses moyens, mais avec la volonté persévérante de la résoudre à l’amiable comme un complément de la question africaine.

Le but ne fut pas absolument atteint ; mais l’Afrique n’en reste pas moins, dans sa plus grande largeur, terre française. En 1894, on nous disputait les frontières du Sénégal ; en 1898, nous étions au bassin du Nil, et nous nous en ouvrions l’accès. Les contacts sont maintenus, désormais, entre les deux grands fleuves africains. Et ces résultats ont été acquis, en fait, par l’énergie de quelques hommes, sans que le bon renom et la bonne foi du pays aient reçu nulle atteinte.


GABRIEL HANOTAUX.