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jonction avec le Bahr-El-Zebel, ainsi que le pays des Chillouks, sur la rive gauche du Nil Blanc, jusqu’à Fachoda.

« Sir Herbert Kitchener répondit qu’il ne pouvait reconnaître l’occupation française, quelle qu’elle soit, d’aucune partie de la vallée du Nil et protesta contre cette occupation par un écrit qu’il laissa entre les mains du capitaine Marchand.

« Finalement, il hissa le drapeau égyptien sur un des bastions des fortifications en ruines de la ville, à environ 500 mètres au Sud du drapeau français. Puis le sirdar, ayant laissé à Fachoda une garnison composée d’un bataillon de troupes égyptiennes avec quatre canons et une canonnière, se dirigea, le 20 septembre, vers le Sud et établit un poste sur la rivière de Sobat. A son retour vers le Nord, en passant par Fachoda, le sirdar informa M. Marchand, par écrit, que le pays était sous l’autorité militaire et que, par conséquent, tout transport de matériel de guerre par le fleuve était interdit. »

Alors commença cette douloureuse correspondance entre le gouvernement français et le capitaine Marchand, par l’intermédiaire de l’agence britannique au Caire, qui donna lieu au voyage de M. Baratier. Au quai d’Orsay, on luttait désespérément : « J’ai montré, de nouveau, écrit le ministre le 3 octobre, que notre entreprise remonte à une époque où l’Angleterre n’avait rien fait, rien dit même qui laissât supposer que son intention était de reconquérir le Soudan Egyptien qu’elle avait, elle-même, obligé l’Egypte à abandonner en 1884[1]. Donc, il n’y a rien, dans notre action, qui permette d’affirmer qu’elle a été dirigée contre l’Angleterre en vue de traverser des desseins que celle-ci n’avait pas manifestés.

« Nous sommes à Fachoda, ai-je dit, et nous ne l’avons pris qu’à la barbarie, à laquelle vous deviez, deux mois plus tard, arracher Khartoum. Nous demander de l’évacuer préalablement à toute discussion ce serait, au fond, nous adresser un ultimatum. Eh bien ! qui donc, connaissant la France, pourrait douter de sa réponse ?… Je puis faire à l’entente entre les deux pays des sacrifices d’intérêt matériel ; dans mes mains, l’honneur national restera intact. »

  1. Allusion à un passage du premier entretien dont le Livre Jaune rend compte en ces termes : « Le seul chef de la mission est M. Liotard, et cette mission qui lui a été confiée par moi-même, comme ministre des Colonies, remonte à 1893, c’est-à-dire à une date bien antérieure aux déclarations de sir Edward Grey. »