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les affaires de la Côte occidentale, en intéressant l’Allemagne à ces solutions.

En général, c’est une imprudence gratuite de prétendre tenir une des grandes puissances européennes en dehors des affaires qui affectent l’équilibre mondial. Mieux valait assurer à la politique française le bénéfice de la bonne grâce et de la loyauté, tout en gagnant, le cas échéant, les sentimens favorables de ce « tribunal des neutres » sur lequel l’Allemagne exerce, dans le cas de rivalité anglo-française, une incontestable autorité.

Telle fut la portée de certains échanges de vues avec l’Allemagne, dans la période qui précéda immédiatement la chute du Cabinet Méline. Depuis le voyage du prince de Hohenlohe à Paris, et la conclusion de l’arrangement franco-allemand au sujet du Togo, les relations entre les deux puissances étaient sur le pied d’une mutuelle courtoisie. En présence des dangers qui menaçaient, alors, la paix du monde (événemens d’Arménie, de Crète, de Grèce, complications en Extrême-Orient), les gouvernemens européens avaient senti le prix d’une collaboration plus étroite en vue des intérêts communs de la civilisation et de la paix. Les premiers indices de l’antagonisme anglo-allemand commençaient à apparaître. Le made in Germany était dénoncé en Angleterre. Le calcul de ces mouvemens imperceptibles, la considération de ces « impondérables » sont de technique courante en diplomatie.

Il suffisait de saisir la première occasion d’appliquer ces conditions générales aux affaires d’Afrique en particulier.

Elle se présenta à propos d’un détail financier intéressant le sort des colonies portugaises de l’Afrique méridionale. Une conversation qu’eut, à Berlin, l’ambassadeur de France, le marquis de Noailles, donna lieu à un échange de vues relatif aux questions africaines, qui fut précisé par un memorandum remis à Paris par le comte Munster, ambassadeur d’Allemagne. Le tout fut porté à la connaissance du Conseil des ministres, du président de la République et traité, dans la forme habituelle, par les bureaux du quai d’Orsay. Cette importante communication eut-elle quelque suite ? C’est ce qui est resté obscur, jusqu’ici. En tous cas, les précautions étaient prises, du côté de l’Allemagne, et on pouvait, comme on l’avait fait précédemment, se servir des circonstances qui rapprochaient, si opportunément, sur ces affaires, les intérêts et les vues des deux puissances.