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et d’après le jeu de l’équilibre, elles pouvaient peser sur le résultat final. Une action générale et simultanée fut engagée auprès d’elles pour préparer les voies.

L’alliance franco-russe, proclamée aux toasts du Pothuau, avait manifesté, en Europe, une puissance de contrepoids qui commençait à provoquer certaines évolutions. On pouvait compter sur la Russie et, avec son concours, agir sur la Turquie, comme on l’avait déjà fait, au début de 1896.

L’Italie, dont les tendances peu favorables, du temps de M. Crispi, avaient été longtemps un sujet d’inquiétude pour la France, s’était détachée de l’Angleterre en négociant l’arrangement franco-tunisien ; ces heureuses prémices, dues à l’initiative du marquis Visconti-Venosta, avaient eu d’autres suites : une convention commerciale, qui devait rétablir entre les deux puissances l’ancienne intimité, avait été négociée entre Paris et Rome : il ne manquait plus que les signatures, tenues volontairement en suspens par le Cabinet de Paris.

Avec l’État Indépendant du Congo, toutes les difficultés étaient arrangées depuis près de quatre ans ; en le maintenant sur le Nil, à Lado, on avait assuré un précédent favorable et dont l’Angleterre, elle-même, avait été l’initiatrice, à la thèse des occupations concertées dans le bassin du grand fleuve ; le chemin de fer, dû à la clairvoyante ténacité du roi Léopold, profitait des coûteux transports nécessaires pour le ravitaillement des postes du Haut-Oubanghi. Les relations étaient devenues tout à fait cordiales.

Restaient l’Allemagne et l’Abyssinie.

Il appartiendra à l’histoire d’établir quelle fut la pensée directrice de l’Allemagne et de son gouvernement dans les discussions complexes parmi lesquelles se décida le partage de l’Afrique et la dernière phase de la politique coloniale française. On peut admettre, qu’au début, la politique bismarckienne vit avec satisfaction la France s’engager dans des affaires lointaines et si difficiles qui devaient absorber, pendant de longues années, l’attention du pays et de son gouvernement. Il n’est pas certain, toutefois, que ce calcul fût juste, puisque, finalement, l’Allemagne se lança, à son tour, sur la même piste, et essaya, un peu tard, de regagner le temps perdu. Si elle a laissé, de parti pris, les initiatives coloniales aux autres, elle n’a pas à s’étonner qu’ils aient obtenu les meilleurs morceaux.