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Or, l’expérience l’avait démontré, pour obtenir des résultats effectifs, il ne fallait pas s’en rapporter uniquement aux dispositions qui, à l’heure où se signait la Convention de juin 1898, paraissaient conciliantes au Cabinet de Londres. Dominé trop souvent par l’impétueuse assurance de M. Chamberlain, il usait de l’arme de l’intimidation et, en général, de toutes les armes légitimes ; il n’avait d’autre inquiétude que de se sentir isolé dans ses aventureuses entreprises diplomatiques.

Agissante partout, l’Angleterre essaye toujours : ferme, habile, — et, en somme, rassurée sur les conséquences finales par la fameuse « ceinture d’argent, » — elle ne cède qu’après avoir fait le calcul précis des avantages et des risques. A Madagascar, en Tunisie, au Siam, sur le Mékong, au Niger, elle avait poussé à l’extrême les résistances les plus tenaces, elle avait toujours employé les mêmes négations impératives, et elle n’avait renoncé que la dernière et à la dernière minute. Il fallait donc s’attendre à une campagne des plus rudes, avec tout le déploiement des pressions et des influences que la féconde ingéniosité anglaise découvre dans ses ressources sans nombre et parmi les faiblesses de l’adversaire.

En vue de l’heure prochaine où la question du Nil serait abordée, le premier devoir du ministère français était de s’assurer une forte situation diplomatique auprès des diverses puissances qui pouvaient, à un titre quelconque, intervenir au débat.

Voici ce qui avait été fait :

La vallée du Nil, à cette époque, était comme le rendez-vous de la plupart des dominations coloniales européennes. La Turquie exerçait sur le Khédive une haute suzeraineté reconnue par les traités ; l’Allemagne, par ses possessions de l’Afrique orientale, l’Italie par celles de la Mer-Rouge, l’Etat du Congo à Lado, la France dans le Bahr-El-Ghazal, enfin l’Abyssinie, puissance africaine qui avait alors le prestige entier de ses victoires récentes, toutes avaient un intérêt dans les affaires nilotiques.

Les autres puissances européennes, et notamment la Russie, à cause des communications avec l’Extrême-Orient, et de ses relations de religion avec l’Abyssinie, veillaient, avec plus ou moins de zèle, à l’intégrité de l’Empire ottoman et à la liberté de navigation par te canal de Suez.

Assurément, aucune de ces puissances n’était opposée d’une manière irréductible à l’Angleterre ; mais, selon leurs intérêts