Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/733

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possession de ces territoires peut, dans l’avenir, ouvrir une route vers le Nil, et il ne faut pas comprendre que le gouvernement de Sa Majesté puisse admettre qu’aucune puissance européenne puisse avoir des droits quelconques à occuper une position, quelle qu’elle soit, dans la vallée du Nil. »

Cependant, la conversation était engagée.

Les deux parties sentaient la gravité des difficultés prochaines sur le Nil et certainement, à ce moment, le désir d’une entente préalable à la rencontre les animait toutes deux.

Plus on approche de l’heure critique, plus on voit se dessiner les deux courans qui se partagent les esprits en Angleterre. Mais les modérés, soit libéraux soit conservateurs, lord Salisbury, M. Balfour, M. Morley, sont peu à peu débordés par les violences et le tapage du parti impérialiste.

Le Times combat la formule « possession vaut titre, » qui avait été acceptée quelques semaines auparavant par la Saturday Review, et qui était, en somme, la base des négociations relatives au Niger. La Pall Mall Gazette écrit, à propos de quelques incidens en Afrique : « Il faut parler au quai d’Orsay sur un ton de commandement… » Tout de même, nous n’en étions pas là !

Le débat technique relatif au bassin du Niger se prolongea tout l’hiver. Rarement on vit, en Angleterre, une discipline plus stricte de l’opinion, de la presse et du gouvernement pour arracher le succès : chaque parcelle de terrain fut disputée pied à pied. Pour une paillotte, on parlait de rupture et de guerre. Lord Selborne, sous-secrétaire d’Etat des Colonies, disait à Bradford : « Sans doute, nous voulons la paix, mais non pas la paix à tout prix. Nous n’avons pas fait la guerre pour Madagascar, parce qu’elle eût été beaucoup trop onéreuse, étant donné le peu d’importance des intérêts anglais engagés ; mais peut-on en dire autant de l’Ouest-africain ? »

En France, les esprits, passionnés pour l’affaire Dreyfus, étaient ailleurs. C’est à peine si l’opinion, divisée en outre au sujet des affaires de Grèce et d’Arménie, devinait les soucis du gouvernement au sujet de l’Afrique.

Malgré tout, la diplomatie française tenait bon : elle voulait l’accord, mais elle le voulait honorable. Les démarches réitérées, parfois même menaçantes de sir Edmund Monson ne l’émouvaient pas.

Les nouvelles d’Afrique étaient rares. Au début de l’année