Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/728

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il y eut, en ce moment, une telle poussée de l’impérialisme anglais que l’on pouvait désespérer d’une entente amiable. Le péril fut même signalé et dénoncé par le parti libéral : à la Chambre des lords, à la Chambre des communes, il s’éleva contre une politique qui tenait si peu de compte des tiers : lord Kimberley n’oubliait pas les engagemens qu’il avait pris comme ministre, et il qualifiait l’expédition du Soudan de « téméraire, soit au point de vue local, soit au point de vue international. » Sir William Harcourt et M. John Morley ajoutaient qu’on avait manqué de sincérité au sujet de l’objectif réel de la campagne.

Mais lord Salisbury modifiant, une fois encore, son point de vue, déclarait, maintenant, que Dongola n’était qu’une étape sur le chemin de Khartoum ; le chancelier de l’Echiquier, sir Michaël Hicks Beach, dévoilait les projets d’occupation et de conquête en des termes tels que sir Charles Dilke lui reprochait « d’avoir prononcé, à l’égard de la France, des paroles de défi et de menace[1]. » Pour la première fois, le but réel de l’expédition était révélé à l’opinion anglaise et à l’Europe ; pour la première fois, on parlait de prendre possession de tous tes territoires qui avaient été occupés, plus ou moins effectivement, par l’Egypte.

Au même moment, la commission franco-britannique, qui avait repris ses travaux à Paris pour traiter les questions africaines et notamment les délimitations dans le bassin du Niger, constatait que les revendications des deux gouvernemens étaient irréductibles. Dans l’impossibilité d’aboutir, elle s’ajournait au mois de mai suivant.

C’était à désespérer. Le quai d’Orsay pensa qu’il n’avait plus d’autre ressource, cette fois encore, que le mouvement tournant ; les négociations relatives à la côte occidentale d’Afrique, abandonnées avec l’Angleterre, furent reprises avec l’Allemagne. En avril 1897, le chancelier de l’Empire, prince de Hohenlohe, ancien ambassadeur en France, vint a. Paris ; il eut une entrevue avec le ministre des Affaires étrangères français, entrevue qui donna une impulsion plus vive aux pourparlers. Au mois de juin, l’accord fut signé ; il mettait fin aux contestations franco-allemandes en Afrique.

  1. Bulletin de l’Afrique française, p. 48 et 77.