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sujet des territoires de la boucle du Niger[1], les trois puissances rivales, France, Allemagne, Angleterre, multipliaient les expéditions chargées de prendre des gages et de créer des « faits accomplis. » Pour la France, cet effort était décisif : c’était par ce moyen, et par ce moyen seulement, qu’elle pouvait obtenir l’union de ses trois domaines dispersés en Afrique, union que l’acceptation de la ligne Say-Barroua, en 1890, avait si gravement compromise.

Mais, de part et d’autre, dans cette entreprise de concurrence où les missions opéraient dans tous les sens, elles échappaient au contrôle et à l’autorité des gouvernemens ; avec l’ardeur naturelle à ces hommes énergiques, les procédés étaient parfois un peu rudes. La France était engagée dans une guerre longue et pénible contre Samory ; ses colonnes expéditionnaires parcouraient toute la boucle du Niger ; elles commençaient à occuper le Mossi, dont la possession était indispensable pour relier l’hinterland du Sénégal à l’hinterland algérien et nigérien ; la question des embouchures du Niger et de la navigation sur le Niger inférieur était posée par les incidens qui avaient arrêté la mission Mizon. Ces intrépides agens « allaient de l’avant, » comme ils disaient et, s’il y avait « de la casse, » comme ils disaient encore, c’était « l’affaire de la diplomatie. » La table s’encombrait de dossiers qu’on ne parvenait pas à dégonfler.

Il eût fallu du temps… et précisément ce qui manquait, c’était le temps.

Les choses restèrent en suspens jusqu’aux premiers jours de l’année 1897. À ce moment, les complications dans l’Orient de l’Europe rendaient plus nécessaire que jamais l’entente entre les puissances ou, comme on l’appelait alors, le « concert européen ; » l’affaire du Transvaal était, de nouveau, à l’ordre du jour ; Cecil Rhodes arrivait en Angleterre pour préparer les esprits à une intervention plus énergique. De premiers succès avaient couronné les efforts de l’armée anglo-égyptienne. La province de Dongola était réoccupée. Le gouvernement demandait, à la Chambre des communes, l’argent nécessaire pour porter l’expédition jusqu’à Khartoum.

  1. Ces négociations s’étaient ouvertes au quai d’Orsay, conformément à la déclaration échangée entre les deux puissances, le 15 janvier 1896. Voyez le Livre Jaune relatif à la Convention du 14 juin 1898, p. 8 et suiv.