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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




A peine rentrée en session et après s’être débarrassée d’une interpellation sur le Maroc dont nous parlerons dans un moment, la Chambre des députés a repris la discussion de l’impôt sur le revenu. Le projet contient 97 articles dont 54 sont déjà votés ; il en reste donc une quarantaine, et ce ne sont pas les moins importans ; ce sont même les plus redoutables, ceux qui méritent le mieux d’être rejetés ; mais ils seront votés comme les précédens, et la Chambre ira jusqu’au bout de la révolution fiscale à laquelle M. Caillaux a voulu attacher son nom. Il est douteux que la postérité y voie pour lui un titre de gloire. M. le ministre des Finances a une volonté qui tient de l’acharnement : il ordonne et la Chambre obéit. Beaucoup, dans leur for intérieur, sont effrayés du travail qu’ils font ; ils s’arrêteraient, s’ils le pouvaient, dans l’œuvre néfaste où on les a engagés ; mais on leur a fait croire que le pays voulait l’impôt sur le revenu, et qu’il briserait impitoyablement, aux élections prochaines, ceux qui se seraient mis en travers de cette grande réforme. Les dernières élections sénatoriales ont servi à appuyer cette affirmation. Hier encore, personne ne voulait croire au vote de la loi ; on commence aujourd’hui à changer d’avis. Hier encore, on espérait que, si le projet était voté à la Chambre, il viendrait s’enlizer au Sénat ; on commence à comprendre qu’il n’y a pas à faire beaucoup plus de fond sur le Sénat que sur la Chambre. Sans doute la haute assemblée se rend compte des dangers de la réforme, danger pour le bon ordre de nos finances, danger pour la paix sociale, mais le mouvement l’emporte. N’a-t-elle pas voté le rachat de l’Ouest, sachant fort bien qu’elle commettait une lourde faute ? — Si vous le faites, lui avait dit M. Rouvier, il n’y aura plus de Sénat. — Elle l’a fait tout de même,