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LA PLÈBE ORIENTALE


I. — LE FOYER

Où qu’on l’étudie, de la Turquie d’Europe aux confins du Soudan, cette plèbe des villes ou des campagnes vous frappe tout d’abord par son apparence de misère et d’abrutissement. Et cette impression, ce n’est pas seulement l’Européen qui l’éprouve, ce sont les Orientaux aussi. Leurs journalistes ne se font pas faute de le répéter, exactement dans les termes dont je viens de me servir.

Cependant, un observateur superficiel en juge autrement. La vigueur physique, la haute stature des mâles, la beauté plantureuse et épanouie des femmes excitent fréquemment l’admiration des touristes. Pour certains de nos écrivains, c’est un lieu commun de soutenir qu’en Orient la splendeur de l’animal humain est la récompense de son mépris pour la culture anémiante de l’Occident et les labeurs épuisans de nos civilisations. Ils se laissent éblouir par les gaillards solides et bien nourris qui paradent devant les consulats, en costumes chamarrés de kawass, par ces beaux guides syriens à la moustache conquérante et aux grands foulards flottans, par les âniers et les drogmans du Caire, tous ces lestes coquins, qui s’empressent, avec des gestes frôleurs, autour de la voyageuse pudibonde et ravie, — ou peut-être encore par les corpulences hyperboliques des boutiquiers levantins et les carnations lourdes et fraîches des jeunes effendis.