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AU COUCHANT DE LA MONARCHIE.

vains : la fermeté de caractère, la décision de volonté. « Il y avait en lui deux hommes, dit un de ses contemporains[1], l’homme qui connaît, et l’homme qui veut. La première de ces qualités était très étendue et très variée. Mais, dans les grandes affaires d’État, le Roi qui veut et ordonne ne se trouvait presque jamais. » Une clairvoyance honnête, d’excellentes intentions, une droiture indéniable, tout est paralysé, stérilisé, détruit par cette incurable faiblesse. « Mon frère, raillait le Comte de Provence, est comme ces boules d’ivoire huilées qu’on ne peut retenir ensemble. »

Décider et vouloir, en ces deux mots tient presque tout l’art de régner. Louis XIV n’en eut guère d’autre ; mais il le pratiqua si bien qu’il n’eut pas besoin de génie. Son descendant débile n’avait, hélas ! rien retenu de cet héritage ancestral. Peut-être aurait-il distingué un Colbert, un Louvois ; il les aurait sans doute appréciés et aimés ; il ne les aurait assurément pas soutenus. C’était, comme l’a écrit un historien moderne[2], « un prince selon les illusions du temps, un prince d’idylle et de conte moral. Doué de toutes les qualités qui conviennent pour populariser les dynasties dans les époques prospères, il ne possédait aucune de celles qu’il faut pour les fonder dans les agitations ou les restaurer au milieu des troubles. »


IV

Tout homme faible est influençable. Louis XVI le fut plus que personne, subissant tour à tour, et parfois simultanément, la domination de tous ceux qui composaient son entourage intime, sa femme, ses tantes, et ses deux frères. Une brève revue de ces différens personnages est une préface indispensable à l’histoire de son règne.

La Reine d’abord, qui, quoi qu’on ait pu dire, eut de tout temps un grand crédit auprès de son époux. « On ne m’a rien appris, s’écriait le jeune prince au lendemain de son avènement, mais j’ai lu un peu d’histoire, et j’ai vu que ce qui a toujours perdu cet État a été les femmes légitimes et les maîtresses. » Ceux qui entendirent ces paroles conçurent des doutes sur le

  1. Mémoires sur le règne de Louis XVI, par Soulavie.
  2. L’Europe et la Révolution, par A. Sorel, t. I.