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date du 1er janvier 1905[1], ces 69 405 femmes se répartissaient entre les syndicats mixtes, c’est-à-dire comprenant des hommes et des femmes, et les syndicats exclusivement féminins. Pour nous en tenir au département de la Seine, sur lequel a porté l’enquête de l’Office du travail, on y comptait 14 540 femmes syndiquées se répartissant entre 82 syndicats mixtes et 21 syndicats féminins. 11 849 femmes appartenaient à des syndicats mixtes, 2 691 à des syndicats exclusivement féminins. C’est peu assurément, d’autant plus que, parmi ces syndiquées, il y en a un certain nombre qui n’appartiennent pas à la classe ouvrière, ainsi, par exemple, les institutrices libres, les employées de certaines administrations, les caissières et jusqu’aux artistes chorégraphiques qui sont constituées en syndicats. Le nombre des ouvrières proprement dites qui sont syndiquées est donc excessivement faible. Le syndicat n’est pas encore entré dans les mœurs de l’ouvrière. Là où elle a su se servir de cette arme, elle a eu cependant à se louer du résultat. C’est ainsi que les ouvrières employées par l’administration des tabacs qui sont constituées en plusieurs syndicats ont fait en dix ans monter leurs salaires d’une moyenne de 3,39 pour une journée de travail de dix heures à 4,10 pour une journée de neuf heures. Mais ce sont des ouvrières qui travaillent en atelier ; elles sont groupées, elles se connaissent toutes ; et ce groupement leur rend l’entente facile. Il n’en est pas de même dans les industries du vêtement, et en particulier dans celle de la lingerie où un grand nombre d’ouvrières travaillent à domicile. Elles s’ignorent ; elles ne se voient jamais ; elles sont sans contact les unes avec les autres ; et c’est ce qui explique qu’elles demeurent parfois livrées à une exploitation qu’on qualifie avec un peu d’exagération d’éhontée, qui n’est pas aussi générale qu’on le dit, mais qui est parfois trop réelle.

Certains efforts ont cependant été faits dans ces derniers temps. Il existe à Paris trois syndicats comprenant sinon exclusivement, du moins pour la plus grande partie, des lingères. Ce sont la Chambre syndicale des couturières lingères dont le

  1. Le dernier Annuaire des syndicats s’arrête à cette date. C’est dans le Bulletin de l’Office du travail que nous avons trouvé les chiffres de 1907. Il serait à souhaiter que l’Annuaire des syndicats fût tenu davantage à jour et qu’il contint quelques tableaux résumant les renseignemens épars dans un grand nombre de pages, au lieu d’être une simple nomenclature.