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monde officiel, mais dont un certain nombre serait réservé aux ouvrières, astreintes seulement à un premier versement de 2 fr. 50. Les directeurs de cette vaste association, car il en faudrait plusieurs, même en limitant son action à Paris, s’adresseraient aux grands fabricans et obtiendraient d’eux d’importantes commandes. Ils les répartiraient entre les ouvrières qu’ils feraient travailler, et comme, à la différence des entrepreneuses, l’association ne prélèverait aucun bénéfice, elle pourrait majorer les salaires de ses ouvrières du bénéfice de l’entrepreneuse. M. Martin Saint-Léon reconnaît cependant qu’il serait nécessaire à la société de prélever un certain bénéfice, pour faire face à ses frais généraux, sans quoi la société aurait, comme les œuvres d’assistance par le travail, un caractère charitable. Il ne désespère même pas que ce bénéfice soit assez important, les ouvrières étant cependant convenablement payées, pour assurer aux actions un dividende que les statuts limiteraient à 3 pour 100 et qui profiterait aux ouvrières actionnaires dont on pourrait espérer de voir s’accroître le nombre. Assurément le mécanisme est ingénieux, et, si l’on parvenait à mettre sur pied une société coopérative de ce genre, elle pourrait rendre des services ; mais, pour être tout à fait sincère, nous avouons ne pas croire beaucoup aux futurs dividendes.

Enfin il est un dernier moyen plus indirect encore que ceux que je viens de signaler, mais qu’il serait bon de mettre en pratique. Ce serait de ne pas tourner par une éducation uniforme un trop grand nombre de jeunes filles vers l’industrie du vêtement et de chercher pour elles un autre emploi de leur activité. C’est le conseil qu’un homme qui apporte dans ces questions tout à la fois l’expérience pratique et la sollicitude charitable, M. Ernest Lefébure, le grand fabricant de dentelles bien connu, donnait naguère dans une lettre adressée à la Présidente de la Société pour le relèvement des petites industries rurales. Il faisait observer avec raison qu’à treize ans, les trois quarts des jeunes filles élevées dans nos écoles se mettent en quête d’obtenir un ouvrage de couture, qu’on compte les ouvrières lingères ou couturières par centaines de mille, et que, de cet encombrement de la profession, provient l’abaissement des salaires. Il conseille donc de les diriger vers d’autres industries, en particulier vers les industries alimentaires qui se pratiquent à la campagne. Ce serait une forme de ce retour à la terre, que prêche