Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

verserait à l’ouvrière la totalité du salaire payé par le patron, en se couvrant seulement de ses frais généraux ? La tentative a été faite, non sans succès. L’honneur de l’idée première revient, si je ne me trompe, à cette femme de tête et de cœur qui s’appelait la Mère Saint-Antoine et qui, après avoir fondé avec un plein succès l’Hospitalité du Travail d’abord pour les femmes et ensuite pour les hommes, avait créé l’Œuvre des Mères de famille. Elle prenait directement les commandes des patrons, faisait exécuter le travail à domicile et répartissait entre les ouvrières qu’elle employait, au prorata de leur travail, la totalité du prix que lui avaient payé les patrons pour ses fournitures, ses frais généraux restant au compte de l’Hospitalité du Travail et le fonds de roulement nécessaire lui ayant été fourni par une souscription. L’Œuvre a rendu de grands services, et si, à la mort de la Mère Saint-Antoine, il a été nécessaire de la liquider, c’est que la bonne Mère, entraînée par son ardeur, n’avait pas suffisamment proportionné le travail qu’elle donnait à faire aux débouchés dont elle était assurée, et qu’un certain nombre de marchandises non vendues avaient fini par s’entasser dans un magasin insuffisamment achalandé. Mais l’idée, ingénieuse en elle-même, a été imitée avec succès du vivant même de la Mère Saint-Antoine et continuée depuis sa mort par des œuvres similaires qui sont, sous une forme ou sous une autre, des œuvres d’assistance par le travail. Ces œuvres se sont beaucoup multipliées dans ces dernières années. Le nombre en est trop grand pour qu’il soit possible de les énumérer toutes. Parmi celles qui donnent les meilleurs résultats, on peut, croyons-nous, citer celle du XVIe arrondissement et celles qui sont groupées au cercle Amicitia. Ces œuvres, qui ont toutes une fin et un caractère charitable, car elles sont gérées, gratuitement, avec un désintéressement complet par des personnes qui se dévouent à leur succès, méritent tous les encouragemens.

Serait-il possible de donner à cette substitution de l’intermédiaire désintéressé à l’entrepreneuse une forme commerciale ? Un publiciste de talent, auquel on doit deux histoires impartiales et instructives, celle des corporations, et celle du compagnonnage, M. Etienne Martin Saint-Léon, l’a pensé. Il prône l’idée d’une grande association coopérative dont les actions, de 25 francs chacune, seraient souscrites par des actionnaires appartenant à l’aristocratie de naissance ou de finance et au