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ne peut s’empêcher de penser et de dire que c’est par trop la loi de l’homme qui régit le monde du travail.


V

Après avoir signalé de pareilles misères, il serait singulièrement douloureux de s’en tenir à ces constatations et de convenir implicitement par là même qu’elles sont sans remèdes. Il faut donc s’appliquer consciencieusement à chercher s’il en existe. Il faut n’en écarter aucun soit avec dédain à cause de son insuffisance, soit de parti pris au nom de certaines doctrines abstraites. Comme disait Le Play : « il n’y a pas de théorie qui vaille contre la souffrance. » Les plus chimériques mêmes, en apparence, méritent d’être discutés, car il y a parfois dans la chimère un grain de vérité qui, à la longue, germe et finit par porter des fruits.

Pour mettre un peu d’ordre dans cette recherche, il importe de distinguer entre les remèdes directs et les remèdes indirects. On peut appeler remèdes directs ceux qui tendraient à agir directement sur les salaires des ouvrières pour en relever les prix. On peut appeler remèdes indirects ceux qui tendraient à améliorer leur condition générale ou qui pourraient même agir sur leurs salaires par voie de répercussion.

Commençons par les remèdes indirects.

Nous avons constaté que la situation la plus douloureuse était celle des ouvrières célibataires ou veuves, en un mot des femmes isolées qui demandent à leur métier de lingère le moyen de vivre, tandis qu’au contraire celles qui sont mariées et dont le salaire plus ou moins faible n’est qu’un appoint, viennent utilement en aide aux dépenses du ménage. À envisager les choses sous un certain angle, il faut voir, dans cette différence de leur condition, la démonstration économique de cette loi naturelle et providentielle que l’Écriture a formulée en ces termes : « Il n’est pas bon pour l’homme de vivre seul. » De cette loi tous les peuples civilisés ou même barbares ont tiré l’institution du mariage. Malheureusement ne se marie pas qui veut dans notre société moderne, à Paris en particulier où l’ouvrier, et surtout l’employé répugnent de plus en plus à assumer les charges d’une union légale. Et puis il y a aussi les veuves ou les femmes abandonnées qui ont bien fait ce qu’elles ont pu