Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/574

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reproches qu’on adresse au travail à domicile c’est de contraindre les ouvrières qui le pratiquent à une durée de travail excessive. C’est donc avec grande raison que le questionnaire dressé par l’Office du travail porte sur ce point une question spéciale. Cette question a été posée à 510 ouvrières, mais il y a lieu de retenir les réponses de 351 seulement, les autres travaillant soit pour l’économat d’une compagnie de chemins de fer, soit pour des œuvres d’assistance, soit pour le magasin central de l’Assistance publique. Les premières sont en effet des privilégiées, et les autres des malheureuses ; mais ni les unes ni les autres ne peuvent être considérées comme des ouvrières normales. Les 351 autres, au contraire, dont les adresses ont été données, soit par les bureaux de bienfaisance, soit par des camarades, peuvent être considérées comme représentant assez exactement la population des ouvrières lingères de Paris, et ce n’est pas une généralisation imprudente que de conclure de leurs réponses à la situation des autres. Ces réponses, les voici. 152, soit 43 pour 100, accusent moins de dix heures de travail par jour ; 152, soit 43 pour 100 également, de dix à douze heures, 47 seulement, soit 13 pour 100, plus de douze heures. Il n’est donc pas tout à fait exact de représenter le travail à domicile comme condamnant toutes les ouvrières sans distinction à une durée de travail excessive. Nous reviendrons tout à l’heure sur la condition particulière de celles qui travaillent moins de dix heures par jour. Quant à celles qui travaillent de dix à douze heures, assurément c’est une rude journée, surtout quand c’est, comme nous le verrons tout à l’heure, pour un gain médiocre, et celles qui s’astreignent à ce travail avec patience et résignation méritent toute sympathie ; mais on ne saurait dire cependant que ce soit une journée de travail excédant les forces humaines, d’autant plus que, de leurs déclarations, il faut peut-être rabattre un peu.

Il n’en va pas de même de celles qui travaillent plus de douze heures. Quelques-unes ont fait des réponses navrantes. « Combien de temps travaillez-vous ? demande-t-on à l’une. — Jusqu’à ce que mes forces m’abandonnent, » répond-elle. Une autre raconte qu’elle commence à coudre à trois heures du matin, en restant au lit pour ne pas avoir froid. Une autre reste toute la journée et une partie de la nuit, sans bouger, penchée sur sa machine. C’est son mari, malade, qui fait le ménage et la