scientifique le mot de loi ne soit pas un terme impropre, — le veut ainsi, et par là s’explique cette médiocrité des salaires dans l’industrie de la lingerie qu’on rencontre non pas seulement en France, mais en Angleterre et en Allemagne, pour ne parler que de l’Europe, car toutes les fois qu’on se trouve en présence d’un fait constant, universel, il y faut chercher la conséquence fatale de quelque loi.
Sans doute, c’est une conception morale très haute, et tout à fait digne de l’illustre pontife à qui l’on en doit la formule, que d’opposer à la loi brutale de l’offre et de la demande la doctrine du juste salaire qui impose à celui qui fournit le travail l’obligation de s’inquiéter des besoins de celui qu’il fait travailler. Mais le juste salaire ne saurait être une théorie économique ; c’est un appel à la conscience. Or, étant donné la nature humaine, il est à craindre que cet appel ne soit pas entendu de tous, et que, dans les conflits entre la conscience et l’intérêt, l’intérêt ne continue généralement à l’emporter. Opposer le juste salaire à l’offre et à la demande, c’est opposer l’idéal à la réalité. Il est beau, il est nécessaire de maintenir l’idéal, et l’Eglise est tout à fait dans son rôle en ne se lassant point de le proposer aux hommes, en matière économique comme en toute autre. Mais ceux qui s’adonnent à l’étude des faits doivent s’attendre à se trouver le plus souvent en face de la réalité.
Si nous avons tenu à donner cette explication générale et universelle en quelque sorte de la modicité des salaires dans l’industrie de la lingerie, c’est qu’il ne faudrait pas croire que les salaires déplorables en présence desquels nous allons nous trouver soient les salaires courans dans toutes les industries qui se rattachent au vêtement féminin. Il y aurait au point de vue moral de sérieux inconvéniens à accréditer au point de vue économique cette croyance d’après laquelle « une femme ne pourrait pas se tirer d’affaire à elle toute seule, » croyance qui n’est que trop répandue dans les milieux populaires, et qui sert de prétexte à bien des défaillances. Dans la couture, dans la mode, dans la confection, les salaires, à Paris du moins, sont beaucoup plus élevés. Ils oscillent aux environs de trois francs et atteignent parfois, pour les ouvrières d’élite, il est vrai, quatre ou cinq francs. Même dans l’industrie de la lingerie, les ouvrières qui travaillent en atelier gagnent généralement trois francs, et parfois plus. Les salaires trop justement appelés de famine, qu’on