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préparation, ne changeaient rien aux affirmations, si fréquemment renouvelées, de ces mêmes ministres, à quelque parti qu’ils appartinssent : l’expédition projetée n’avait pas d’autre objectif que « d’occuper le pays s’étendant jusqu’à Dongola[1]. »

Ce qu’il fallait éviter, c’était d’aller au-devant d’un conflit, mais il suffisait, pour cela, de ne pas laisser les chefs de la mission se tromper sur l’objectif qui leur était assigné. Toute ambiguïté devait être dissipée : une mission n’est pas une expédition. A cet effet, le caractère même de l’entreprise fut transformé. M. Liotard reçut le grade de gouverneur ; en cette qualité, le capitaine Marchand lui fut expressément subordonné.

Des instructions nouvelles, adressées à M. Liotard, furent rédigées. Le ministre des Colonies, après s’être concerté avec son collègue des Affaires étrangères, disait, dans ce document, daté du 23 juin : « La mission dont est chargé M. le capitaine Marchand ne saurait être considérée comme une entreprise militaire. Ce n’est pas avec les forces nécessairement réduites dont nous disposons dans ces régions que la pensée d’un projet de conquête pourrait être un seul instant acceptée. Il s’agit de maintenir strictement la ligne politique que, depuis deux ans, vous suivez avec persévérance et dont notre établissement dans le bassin du Nil doit être le couronnement… Il est bien entendu que vous aurez autorité sur tous les agens civils et militaires. Il en sera ainsi de la mission Marchand. »

Par cette atténuation très caractérisée, on en revenait à la politique de M. Liotard. Le Cabinet Méline affirmait, en outre, la politique qu’il entendait suivre à l’égard de l’Angleterre, c’est-à-dire un retour pur et simple au programme laissé en suspens et qui consistait à chercher dans des arrangemens particuliers, et de cas en cas, un équivalent au règlement général dont le premier dessein avait échoué. En un mot, on essayait de ressaisir le fil toujours brisé, de cette difficile « négociation africaine. »


GABRIEL HANOTAUX.

  1. Discours de la Reine (août 1896). Bulletin de l’Afrique française, 1896, p. 277.