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anglo-congolais. L’exposé que le ministre des Affaires étrangères fit à la Chambre, huit jours après la constitution du ministère, le 7 juin 4894, en réponse à une interpellation de MM. Deloncle et Etienne, présentait les argumens de droit et les argumens de fait.

Au point de vue du droit, il alléguait « les traités internationaux qui garantissent l’intégrité de l’Empire ottoman ; » il y avait, de ce chef, un engagement pris directement avec la France comme à l’égard des autres puissances : c’était « un statut général, une des bases de la paix universelle[1] » qui était atteinte. Si les actes qui consacrent l’équilibre international, comme le traité de Paris ou le traité de Berlin, pouvaient être violés arbitrairement par leurs propres signataires, sur quelles bases pourrait-on fonder l’ordre public entre les puissances et maintenir la paix ?

Quant à l’État Indépendant, en traitant avec l’Angleterre dans les conditions indiquées, il se mettait en contradiction avec la charte de son existence ; il s’arrachait à la protection de sa neutralité. De même que l’arrangement était en violation du droit international européen, il « était en contradiction formelle avec le droit international africain. »

Le droit une fois établi, l’exposé ministériel abordait Les points de fait et les réalités. La convention « portait atteinte à l’équilibre des forces en Afrique et dans le monde ; » elle était contraire aux intérêts comme au droit de la France. L’Allemagne avait fait rayer la clause qui la touchait : la France déclarait qu’en ce qui la concernait, « la convention était nulle et de nulle portée. »

En même temps, le ministre priait la Chambre d’opposer, s’il y avait lieu, le fait au fait et l’occupation à l’occupation : puisque les agens congolais parcouraient, sans obstacle et sans protestation, le Bahr-El-Ghazal, rien n’empêchait d’autres missions de se porter vers les mêmes régions : « Mon collègue le ministre des Colonies a déjà donné les ordres nécessaires pour que l’officier supérieur qui commande dans le Haut-Oubanghi rejoigne son poste sans délai. Les premiers détachemens de sa mission sont déjà arrivés sur les lieux. Ils seront renforcés sans retard si la Chambre accorde, comme nous n’en doutons pas,

  1. Ce sont les propres expressions employées par sir Edward Grey à propos de l’occupation de la Bosnie et de l’Herzégovine par l’Autriche-Hongrie en 1908.