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L’État Indépendant du Congo mettait à profit nos tergiversations : ses agens, après avoir franchi le 4e parallèle, s’efforçaient de contourner les possessions françaises et de leur interdire tout développement à l’Est et au Nord. Ils agissaient d’après un dessein combiné et prémédité. On savait que le roi Léopold cherchait partout des appuis.

Ces empiétemens donnèrent lieu à de multiples protestations de la part du gouvernement français : sous le ministère Casimir-Perier, des négociations s’engagèrent, à Paris et à Bruxelles, entre les représentans de la France et ceux de l’Etat Indépendant du Congo. Comment ceux-ci eussent-ils justifié la conduite des agens belges, quand les textes étaient formels ? Cependant, ils ne cédaient pas. « Possession vaut titre, » arguaient-ils. Les choses traînaient en longueur.

Enfin, ces étranges obscurités se dissipèrent : le 12 mai 1894, les journaux belges et anglais publièrent la fameuse convention signée entre l’Angleterre et l’Etat du Congo. L’Angleterre, sans songer même à prévenir le Cabinet de Paris, attribuait à l’Etat Indépendant la partie du bassin du Congo située au Nord du 4e parallèle et reconnue à la France par les traités. En outre, elle cédait à bail, à l’Etat du Congo, toute la partie du bassin du Nil située sur la rive gauche du fleuve et comprise entre le lac Albert et le 10e degré de latitude (c’est-à-dire jusqu’à Fachoda), y compris la région indécise du Bahr-El-Ghazal, étant entendu que, pour la partie la plus voisine du fleuve (à l’Est du 30e degré Est de Greenwich), le bail ne durerait que jusqu’à la mort du roi Léopold. Le bail s’étendait au port de Mahagi sur le lac Albert avec les accès nécessaires. En revanche, l’Etat Indépendant cédait à bail à l’Angleterre une bande de terre de vingt-cinq kilomètres de largeur entre la pointe du lac Tanganiyka et la pointe Sud du lac Albert-Edouard, c’est-à-dire le passage pour le chemin de fer projeté « du Cap au Caire. »

Enfin, le traité, mentionnant, pour les écarter, « les prétentions de l’Egypte et de la Turquie dans le bassin du Haut-Nil[1], » contenait une clause par laquelle l’Etat Indépendant

  1. Une annexe de l’acte est ainsi rédigée : « Les signataires n’ignorent pas les prétentions de l’Egypte et de la Turquie dans le bassin du Haut-Nil. » « Les prétentions de l’Egypte ! »… La timidité de cette allusion marque les hésitations de la thèse anglaise.