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entre elles. Il fallut une sagesse extrême aux deux gouvernemens pour que l’irritation réciproque, se manifestant par des réclamations véhémentes et des échappatoires embarrassées, n’ait pas causé de plus graves conflits. Ni les excitations téméraires, ni les vivacités périlleuses n’ont manqué, de part ni d’autre, et l’on pourrait soutenir que, dans la phase suprême, certains hommes d’Etat étaient plus notoirement hostiles en Angleterre qu’en France.

La rivalité de la France et de l’Angleterre, en Egypte, fut certainement une des causes initiales de l’incident de Fachoda ; mais on n’en comprendrait pas le véritable caractère si on ne le mettait à sa place dans cette vaste question du partage de l’Afrique qui fut une des grandes affaires du XIXe siècle à son déclin.


Les voyages de Stanley à travers ce continent avaient démontré, par la découverte du Congo, que l’accès vers le Nil et les Grands Lacs est plus facile, peut-être, par la côte occidentale que par la côte orientale. A l’Ouest, en effet, la région des cataractes franchie, on dispose d’un parcours relativement aisé sur un bief immense. Le Congo, c’est, pour l’Afrique équatoriale, le fameux « chemin qui marche. »

Les regards se portèrent, donc sur cette côte, jusque-là si négligée. La France, en raison de la possession du Gabon, d’où partait Brazza, l’Etat, Indépendant, par une extension hardie des titres plus récens que lui avait attribués la conférence de Berlin (1884), poussèrent leur pointe vers les hautes terres arrosées par le fleuve et ses affluens.

L’hypothèse qu’on qualifie, à tort, d’ « hypothèse de Wauters, » mais qui fut, dès la conférence de Berlin, l’hypothèse de Desbuissons, se vérifia : un affluent considérable du Congo, l’Oubanghi, a sa source dans des régions très voisines de l’Egypte équatoriale et recueille les eaux qui, partant du Bahr-El-Ghazal, prennent le chemin de l’Atlantique.

Quand des traités, longuement débattus et remaniés à diverses reprises (1885-1887), eurent assuré à la France la possession légitime de la rive droite de l’Oubanghi, avec la frontière prolongée jusqu’au 30e méridien par le 4e parallèle, cette puissance se trouva, sur une étendue considérable de son territoire colonial, limitrophe du bassin du Nil. Une ligne de partage imperceptible distingue à peine, parmi les eaux