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qui se déploie contre eux dans les élections, à moins que les préfets ne songent beaucoup plus à acquérir des titres auprès de ce qu’ils considèrent comme le gouvernement de demain, qu’à servir celui d’aujourd’hui. C’est le monde renversé : le gouvernement devrait faire ses préfets, et tout au contraire les préfets finissent par faire leur gouvernement. Voilà pourquoi on va toujours de l’avant. M. Clemenceau est aujourd’hui plus dépassé qu’il ne l’imagine : il s’en apercevra peut-être bientôt.

Quelques noms feront mieux comprendre le sens général des élections du 3 janvier. Dans deux départemens des environs de Paris, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, les progressistes ont échoué. Ils ne l’ont pas fait complètement dans le premier, où M. le baron de Courcel, grâce à sa haute situation et à sa valeur personnelle, a été réélu ; mais MM. Bonnefille et Legrand ont été battus. Ils seront regrettés au Sénat, où M. Legrand en particulier s’était montré, travailleur infatigable et orateur très utile. En Seine-et-Marne, l’échec des progressistes a été plus complet ; MM. Prévet et Forgemol de Bostquenard en ont été victimes. Le second avait pris une part importante aux discussions militaires ; quant au premier, il est trop connu pour que nous ayons besoin de dire à quel point il manquera au Sénat. M. Prévet est un admirable orateur d’affaires ; il a pour lui, non seulement la compétence et le talent, mais l’énergie ; les tâches difficiles le tentent alors qu’elles en découragent tant d’autres ; sa voix claire et vibrante contribue elle-même à donner de l’éclat aux discussions. Nous parlons au présent et c’est malheureusement au passé qu’il faut le faire : M. Prévet conserve toutes ses qualités, mais le Sénat n’en profitera plus. Dans d’autres départemens encore, les Basses-Pyrénées, la Somme, les progressistes ont été aussi malheureux. Dans le Rhône, leur défaite a été d’autant plus sensible qu’elle était inattendue ; mais il y a là un préfet qui mérite de devenir légendaire, comme le sont devenus quelques-uns de ceux de l’Empire. Ce maquignon électoral a noué les coalitions les plus étranges, les plus paradoxales, les plus immorales, pour faire échouer la liste progressiste, il y a réussi. Le Sénat perd en M. Gourju un orateur disert et courageux, qui était toujours prêt à monter à la tribune et le faisait presque toujours à propos, sans parler de M. Fleury-Ravarin qui, nouveau veau au Luxembourg à la suite d’une élection partielle, n’a pas eu le temps d’y donner sa mesure ; mais il l’avait donnée autrefois à la Chambre, et sa disparition est de nature à inspirer des regrets. Telles sont les défaites principales des progressistes. Leurs