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était très vive. Si l’entreprise réussissait, c’était pour elle l’anéantissement de ses beaux rêves d’avenir. L’Impératrice était bien décidée à ne pas revoir l’époux qu’elle avait abandonné et trompé. Son père la rassura, lui disant qu’il ne lui permettrait de retourner en France que dans deux ou trois ans, lorsque Napoléon aurait donné à l’Europe des gages suffisans de ses intentions pacifiques. Le 12 mars, après une longue promenade à cheval avec Neipperg, Marie-Louise écrivit au chancelier de l’Empire la déclaration par laquelle elle se plaçait avec son fils sous la protection de son père et des souverains alliés, et affirmait sa résolution de « demeurer étrangère à tous les projets de Napoléon. » Le lendemain était publié à Vienne le factum des puissances qui livrait l’Empereur à la vindicte publique, « comme ennemi et perturbateur du repos du monde. »

Napoléon, arrivé à Grenoble, avait écrit le 8 mars à Marie-Louise pour la prier de le rejoindre avec son fils à Paris. M, de Méneval pense que cette lettre expédiée au général Bubna, qui commandait les troupes autrichiennes à Turin, parvint à l’Impératrice. M. Masson estime que c’est une seconde lettre, datée du 11 mars et expédiée de Lyon, qui fut remise au général Bubna par un officier du 7e hussards. Cette missive fut lue à Vienne par les souverains et les représentans des puissances. « L’Impératrice seule, — dit-il, — ne la voit pas. »

Le 19 mars, on sépara la mère de l’enfant. Mme de Montesquiou emmena le petit prince à Vienne. Cette manœuvre était un gage de fidélité donné par Metternich aux intérêts du roi Louis XVIII. Quelques jours après, le 1er avril, avait lieu à Schœnbrunn une séparation plus cruelle pour Marie-Louise. Neipperg lui disait adieu avant de partir pour l’armée d’Italie. La princesse ne pouvait manquer de faire des vœux pour le succès des armes autrichiennes : son cœur serait tout entier du côté où allait combattre le futur ministre de ses États.

Le traité du 25 mars lui garantissait les duchés, à la condition qu’elle s’établirait à Parme sans son fils et que celui-ci ne lui succéderait pas. Elle confiait, le 2 avril, à Méneval qu’elle penserait de loin à l’enfant, économiserait cinq cent mille francs par an, « qui, Joints aux revenus des fiefs de Bohême, assureraient, après elle, à son fils, une existence indépendante. » Méneval lui répondit avec beaucoup de fermeté qu’il ne s’agissait pas de considérations pécuniaires pour le fils de Napoléon, « qui vivrait désormais en dehors des lois, sans patrie, sans titre, et pour ainsi dire sans nom, car on ne saurait plus comment l’appeler. »