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qu’on se rappelle les devoirs d’un prélat comme Pavillon au XVIIe siècle ; il n’est pas seulement tenu, en sa qualité de dignitaire de l’Église, de faire de nombreuses aumônes, et d’entretenir de pieuses fondations ; il lui faut encore (car il est aussi prince temporel, comte et seigneur d’Alet, haut, moyen et bas justicier) s’acquitter de beaucoup d’obligations. Joignez à cela qu’il représente son diocèse aux assemblées d’assiette, qu’il le représente surtout aux assemblées des Etats de la province, et que c’est là un surcroît de dépenses considérable pour un si faible revenu. Mais la misère morale du diocèse d’Alet en 1639, au moment où Pavillon s’écriait à la vue de ces pauvres masures : « C’est ici le lieu de mon repos pour jamais ; j’habiterai ici parce que c’est le lieu que j’ai choisi, » était encore plus lamentable que tout le reste.


I

Quand on considère de loin le grand siècle, il semble qu’on assiste en toutes choses au triomphe de l’ordre. Sans doute l’œil distingue quelques aspérités ; mais elles n’altèrent pas sensiblement l’harmonie générale. Les deux ligures de Richelieu et de Louis XIV dominent tout, et les troubles des deux minorités, avant le grand ministre et avant le grand roi, derniers sursauts de l’âme agitée du XVIe siècle et premier éveil de l’âme révolutionnaire du XVIIIe, ne font que mieux ressortir l’ordre final. Il semble que, lorsque la forte main du cardinal d’Etat a réduit tous les sujets du Roi à l’obéissance, et, plus tard, lorsque le bon sens un peu sec de Louis XIV a achevé l’œuvre de Richelieu, toutes les singularités locales se soient effacées en France, et que la société entière vive au milieu de ce beau calme et reflète en quelque sorte cette uniforme sérénité, dont la littérature classique sera l’expression la plus achevée. Il a fallu les investigations minutieuses de nos érudits contemporains, et, au premier rang, les savans travaux du regretté M. de Boislisle, les études provoquées par la publication de documens sans prix comme les Grands Jours d’Auvergne de Fléchier, pour nous montrer combien l’unité apparente du XVIIe siècle était factice, et combien mal elle recouvrait d’étranges et de nombreuses diversités. Même au moment où le pouvoir de Louis XIV est dans son éclat le moins contestable, il y a en France, au