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deux petites Cours ! Elles n’avaient pour elles qu’une certaine dignité extérieure : c’est ainsi qu’il fut convenu entre elles que le nom de Königsmark ne serait jamais prononcé publiquement.

Quinze jours se passèrent, pendant lesquels la princesse, séquestrée dans son appartement, resta sans nouvelles, quand enfin le comte Platen entra chez elle. Hautaine et impérieuse, Sophie-Dorothée demanda à voir son beau-père. Platen répondit que celui-ci, ne voulant pas communiquer directement avec elle, l’informait, par son entremise, qu’elle aurait à quitter la Cour. Elle répondit que c’était là son plus ardent désir ; mais quand Platen ajouta que ses lettres à Königsmark avaient été saisies, elle pâlit et demanda : « Où est le comte ? » Platen lui répondit qu’il avait été tué en quittant son appartement dans la nuit du 1er juillet.

Désespérée, la princesse oublia toute prudence, accabla de ses malédictions la famille électorale et chassa de sa chambre l’envoyé de son beau-père.

Il semble qu’au début de cette lamentable affaire, les deux cours, craignant les complications extérieures, aient désiré par-dessus tout éviter un scandale. Elles auraient même accepté l’idée d’une réconciliation apparente entre les époux ; mais l’attitude de Sophie-Dorothée rendait tout arrangement de ce genre impossible. Folle de douleur et de colère, elle voulait plus que jamais briser avec une famille, couverte à ses yeux du sang de Königsmark !

Il fut décidé que le procès de divorce serait établi sur le refus de la princesse de vivre avec son mari. La Cour de Hanovre, très habilement, la fit transférer le 17 juillet à Ahlden, dans le duché de Celle, et, bien qu’elle fût prisonnière, l’on persuada au peuple que ce séjour était volontaire de sa part : il devait justifier le procès qui allait commencer. En même temps, les ducs de Hanovre et de Celle, pour préparer l’opinion publique, envoyaient une circulaire à leurs représentans à l’étranger : ils y expliquaient comment la princesse , après avoir montré depuis longtemps de « l’aversion » pour son mari, s’était, de son plein gré, retirée dans les Etats de son père.

Pendant ce temps, les sœurs de Königsmark remuaient ciel et terre pour le retrouver. Ernest-Auguste, affolé par leur insistance, répondit d’abord par des faux-fuyans ; plus d’une fois, il dut maudire le zèle intempestif de sa vieille maîtresse, surtout quand le roi de Saxe, touché par les pleurs de la belle