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LE
ROMAN D’UNE PRINCESSE


I. — LES ANNÉES HEUREUSES

Parmi les reines douloureuses dont la destinée continue, à travers les siècles, à émouvoir les âmes, Sophie-Dorothée de Celle, de droit, sinon de fait, souveraine de Grande-Bretagne et d’Irlande, tient une des premières places. Cette arrière-petite-fille par alliance de Marie Stuart fut douée, comme elle, de beauté et de charme ; elle laissa, il est vrai, une mémoire moins pure que celle de la reine d’Ecosse ; mais, si sa faute fut lourde, les circonstances qui plaident pour elle sont si nombreuses, son châtiment fut si long et si rude, que sa mélancolique figure désarme la critique et n’inspire que la compassion. Sophie-Dorothée, victime de la cupidité des uns, de la haine des autres, mariée, encore enfant, à un époux indigne, est un des plus lamentables exemples d’une vie sacrifiée à la raison d’Etat,

Elle a, en dehors même de sa tragique histoire, des titres particuliers à la bienveillance des lecteurs français. Fille d’une demoiselle du Poitou, Eléonore d’Olbreuse[1], dont l’extraordinaire élévation au rang de princesse souveraine étonna ses contemporains, Sophie-Dorothée tenait plus de sa mère française que de son père allemand. A la Cour de Hanovre, où la fixa son mariage, on pardonna difficilement à cette jeune femme vive,

  1. Éléonore Desmier d’Olbreuse naquit, le 3 janvier 1639, au château d’Olbreuse entre La Rochelle et Niort, d’Alexandre Desmier, sieur d’Olbreuse et de Jacqueline Poussard de Vandré.