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et de la cordialité des rapports entre les différentes classes, c’est que le contraire se produisait aussi, c’est que des familles aisées et même d’une haute situation sociale prenaient des pauvres pour servir à leurs enfans de répondans devant Dieu. Cet usage était si commun et il est si connu que nous n’en signalerons que deux exemples. En 1657 un enfant de la famille limousine des Nexon est présenté au baptême par « un petit pauvre » du village de Villotte et une pauvresse demeurant au bourg de Nexon, et, le 5 novembre 1592, ce sont des pauvres qui servent de père et de mère spirituels aux deux enfans jumeaux de Philibert-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur et de Marie de Luxembourg.

La différence de religion n’était pas incompatible avec le rôle de parrain et de marraine. On connaît des baptêmes catholiques où des protestans figurent eu cette qualité, et réciproquement. Il faut voir là une preuve de l’apaisement intermittent des passions religieuses.

En nous occupant du sacrement qui faisait du nouveau-né un chrétien, avant de parler des premiers soins matériels et du régime par lesquels on croyait alors assurer le mieux son existence et son développement, nous avons suivi l’ordre que la société de ce temps-là mettait dans ses préoccupations à son égard. Avant tout, elle songeait au salut de son âme. Sur l’hygiène du premier âge, nous serons bref, d’ailleurs, parce qu’une compétence spéciale serait nécessaire et chez l’auteur et chez les lecteurs pour permettre plus de détails.

Pour l’allaitement maternel, il n’y a pas de doute à avoir. Autant il était préconisé par l’Eglise et par tous les auteurs qui ont écrit sur la pédagogie, Vives, Erasme, Scévole de Sainte-Marthe, autant il était peu en usage dans les classes élevées. Le peuple était seul à connaître la douceur de cette maternité complète. L’Eglise était si impérative sur ce devoir que certains théologiens allaient jusqu’à ranger parmi les péchés mortels l’abstention de la mère quand elle n’était pas motivée par une cause légitime. En général, sauf dans le peuple, les nouveau-nés étaient mis en nourrice à la campagne. Sur les caractères physiques qui distinguent une bonne nourrice, nous avons l’opinion de deux femmes qui ont été contemporaines et qui, par leur expérience comme par leurs écrits, avaient acquis une grande autorité gynécologique : la femme du médecin Jean