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et de dénoncer la coalition immorale qui s’était formée contre eux. Les unifiés ont laissé gronder ces foudres sur leurs têtes sans se préoccuper de ce vain tapage. Ce sont des réalistes : le succès est à leurs yeux la meilleure des justifications.

C’est sur cette défaite des radicaux que s’achève l’année 1908, triste année qui n’a rien produit de bon dans notre politique intérieure. Quant à la politique extérieure, elle ne dépend pas seulement de nous, et nous faisons la moins mauvaise possible.


Les affaires d’Orient nous maintiennent depuis quelques mois dans des alternatives en quelque sorte régulières d’optimisme et de pessimisme. Il y a quinze jours, nous présentions à nos lecteurs un horizon assez sombre, mais nous étions en retard sur les journaux qui, impressionnés par les dernières nouvelles, déclaraient au contraire que tout s’éclaircissait. Pourquoi ? Parce que l’Autriche se montrait moins intransigeante : elle consentait, moyennant garanties, à se rendre à la Conférence et à accepter qu’il y fût question de l’Herzégovine et de la Bosnie ; enfin elle ne repoussait plus l’idée d’assurer certains avantages pécuniaires à la Turquie. En conséquence, le ciel politique se colorait en rose. Mais aujourd’hui le voilà redevenu gris, presque noir. L’inquiétude des esprits vient de deux causes principales, la note que le gouvernement russe a adressée aux puissances, et la protestation de la Bulgarie contre le discours par lequel le Sultan a ouvert le Parlement ottoman à Constantinople. L’émotion produite par ces deux faits est sans doute excessive, mais cette exagération même montre à quel point les esprits sont encore excités. La défiance est partout. On se rappelle peut-être ce que, dès le premier moment, nous avons dit de la Conférence. Nous ne désirions pas qu’elle se réunît trop vite, ni sans ententes et précautions préalables, dans la crainte qu’il n’en sortît des tempêtes encore plus violentes que celles qu’il s’agissait d’apaiser. On a vu depuis les dessous de ces affaires : ne vaut-il pas mieux les avoir vus avant la Conférence qu’à la Conférence même ? Il y aurait eu beaucoup plus de chances de conflit, si l’outre d’Éole avait été innocemment ouverte sur le tapis vert autour duquel les diplomates se seraient réunis.

Depuis qu’il a adressé sa note aux puissances, M. Isvolski a prononcé devant la Douma un discours qui en est le commentaire et qui l’éclaire sur quelques points, mais n’y ajoute rien. Ce discours, comme la note elle-même, a produit un excellent effet dans quelques pays et un moins bon dans d’autres : il était difficile qu’il en fût autrement.