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REVUE LITTÉRAIRE

L’ŒUVRE D’ARVÈDE BARINE[1]

Qu’une femme écrive des romans ou fasse des vers, cela n’a rien qui surprenne ; il est plus rare qu’elle choisisse, pour s’y consacrer, les travaux de la critique et de l’histoire. À cette partie de la tâche littéraire, dont on nous laisse volontiers le monopole. Mme Arvède Barine apportait quelques-unes des plus belles qualités de l’esprit viril, et elle en joignait d’autres qui ne peuvent être que d’une femme. Elle y égalait les maîtres du genre. Sa manière était bien à elle, sans rien qui trahît la recherche de l’originalité. Il arrive assez souvent que la femme écrivain, cédant à un certain goût des aventures, se sente attirée, hors des voies traditionnelles, vers des manières de penser ou vers des formes d’art qui la séduisent par leur singularité et lui donnent l’Illusion de la hardiesse. Celle-ci pensait, parlait, agissait naturellement dans le sens de la tradition ; en sorte que la sagesse et la grâce de beaucoup entre les femmes d’autrefois semblent s’être résumées dans son œuvre ou s’y être épanouies.

Elle appartenait à une vieille famille de bourgeoisie, dont elle aimait à suivre l’ascendance jusque dans le XVIIe siècle. En province où elle fut élevée, les coutumes se conservent plus longtemps intactes. Elle connut ces maîtresses de maison occupées à des besognes compliquées et savantes ; elle les vit commander à l’opération annuelle de la « grande lessive » et peser le chanvre que chaque servante était

  1. Portraits de femmes. — Essais et Fantaisies. — Princesses et grandes dames. — Bourgeois et gens de peu. — Poètes et névrosés. — Saint François d’Assise. — Bernardin de Saint-Pierre. — Alfred de Musset. — La Jeunesse de la Grande Mademoiselle. — Louis XIV et la Grande Mademoiselle, 10 vol. (Hachette).