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d’essayer de l’apaisement. En face de gens dépourvus de toute idée, si ce n’est de l’idée de s’amuser au détriment d’autrui, — de la vie d’autrui ! — aussi brutalement que le comporteront les circonstances, il est naturel que le bon, sens public et le soin de la défense réclament des solutions plus énergiques. En plusieurs États (dans neuf cantons suisses notamment ; où la peine de mort avait été supprimée, il a fallu la rétablir. En France, où elle n’a été abolie qu’en fait, le résultat, nous le voyons, va être le même.

On essaie bien d’objecter que la plupart des assassins guillotinés avaient assisté à des exécutions capitales, et que cette vue du dernier supplice ne les avait point arrêtés. Le fait a pu se produire en effet chez les professionnels du crime, chez ceux qui, une fois enrégimentés dans des bandes, descendent fatalement la pente qui les jette hors de la société, on peut même dire hors de l’humanité. Mais les autres, les connaissons-nous ? y a-t-il une statistique où ils figurent ? Et pourra-t-on jamais affirmer que parmi ceux qui ne se sont pas mis dans le cas d’être exécutés, il n’en est pas qui aient été précisément retenus par la crainte de l’échafaud ?

Dans la série d’assassinats qui vient d’émouvoir Paris, bien des personnes ont fait, de divers côtés, la même réflexion. Si les cambrioleurs avaient eu la crainte de l’échafaud, ils eussent pris des précautions (beaucoup de leurs pareils y sont experts) pour voler sans verser le sang. Avec la certitude d’être graciés, pourquoi se priver de supprimer un témoin ? La peine n’en sera pas plus lourde.

On dit que la société ne manque pas d’autre moyens efficaces de défense. Nous avons vu ce qu’il faut penser de la transportation. Qu’on ne dise pas qu’au moins elle débarrasse la mère patrie : les évasions sont nombreuses. En la seule année 1906, on en a compté 323[1]. Ceci suffit.

On parle d’autre part de la détention perpétuelle, renforcée de manière à faire frissonner la nature, et à épouvanter la jeunesse par la seule description qu’on en donne. Remarquons d’abord que tout ceci est à créer. La loi de 1875 avait ordonné l’emprisonnement individuel. Comment l’applique-t-on ? Sur nos

  1. Document apporté par la Préfecture de police à la Société générale des prisons dans sa séance du 20 mars 1907. Il s’ajoute à tous ceux que j’ai déjà passés en revue. Voyez le Combat contre le crime.