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« si ce motif a été simplement fourni par l’idée d’un but à atteindre ou s’il provient d’un sentiment qui a au contraire suscité le but lui-même, d’un sentiment par conséquent antérieur non seulement au crime, mais aux événemens et aux circonstances qui expliquent le crime… » Oui, il faut savoir toutes ces choses et quelques autres encore pour administrer la peine ; car ce que la justice a devant elle, ce n’est ni plus ni moins qu’« une âme à refaire. » Tel est le principe. La conséquence forcée, c’est que les pouvoirs publics doivent garder leur condamné jusqu’à ce qu’ils aient refait son âme, et si la manière dont ils s’y prennent ne réussit qu’à le désagréger ou à le corrompre encore un peu plus, ils le garderont indéfiniment. Quand on aboutit à donner à une administration publique et à une bureaucratie pénitentiaire une tâche pareille, la thèse est jugée.

Sommes-nous donc en présence de deux excès tels que la faiblesse de nos jugemens ne puisse éviter l’un sans tomber dans l’autre ? Faisons ce que nous pouvons. Essayons de ranger les accusés en plusieurs catégories suffisamment reconnaissables. Examinons si celui qu’on juge a voulu mal faire, et s’il était maître ou non d’éviter de mal faire. Cherchons les chances qui paraissent lui rester de revenir au bien, ce qui veut dire ici au bien que l’autorité a le devoir de maintenir et de rétablir autant qu’elle le peut, au respect du droit d’autrui et à l’obéissance à la loi. Ecartons les obstacles factices et inutiles qui pourraient entraver le retour des bonnes intentions. Ecartons aussi, autant que possible, les contagions néfastes, les influences démoralisantes. Tel est le problème ; il n’est pas indéchiffrable et il n’est pas insoluble, parce qu’il est limité.

Et toutefois, il est encore fort délicat. Il enveloppe plusieurs problèmes particuliers, dont les principaux sont le problème de l’enfance coupable, le problème des incorrigibles et le problème de la responsabilité atténuée de certains individus qualifiés tour à tour d’aliénés criminels et de demi-fous. Telles sont les difficultés contre lesquelles on a dépensé, depuis quelque temps, le plus d’efforts et le plus de subtilité. Je n’en aborderai ci que les points essentiels et, en quelque sorte, critiques.

La question de l’enfance coupable n’est devenue si aiguë qu’en raison du nombre croissant des actes criminels des mineurs